Les coupures de mots à l'écrit


    Il s'agit ici des coupures de mots en fin de ligne. Ces coupures ne sont absolument pas identiques aux coupes de syllabes en poésie ou en phonétique même si elles s'appuient sur la notion de syllabe.

    Les exemples de coupures incorrectes sont écrits en rouge, les exemples corrects en bleu.

 
1. Voyelles

    Une coupure ne doit jamais séparer deux voyelles : thé-âtre, be-auté, espi-on.

    Pourquoi ? Dans le groupe eau, on a affaire à un trigramme qui note une voyelle unique. Dans la séquence ion, la lettre représente non la voyelle i mais la semi-consonne yod qui ne peut être prononcée sans l'appui vocalique. Cette règle se justifie aussi très nettement dans le cas des e diacritiques – gageure, gageons, douceâtre – et des e graphiques – asseoir, féerie. Cela se vérifie encore pour le u diacritique : expliquons, naviguons. Elle est d'autant plus pertinente que des digrammes ou des trigrammes peuvent noter une seule voyelle – paon, Caen, août – ou bien ne valoir qu'en combinaison afin de dégager un ensemble semi consonne et voyelle – suite, soit, poële, poil... La voyelle y note le plus souvent une semi-consonne yod en combinaison et elle modifie aussi la valeur de la voyelle précédente : payer, tuyau. Il ne faut pas couper, ni avant, ni après. Mais on peut couper si la voyelle y est suivie d'une consonne : pay-san. Elle note alors une voyelle [i].
 


 

2. Voyelle suivie d'une consonne unique

    La coupure se place avant la consonne : cha-peau, cha-ri-té, ar-ti-cu-la-tion.

Remarques :

    a) Cependant, x placé entre des voyelles représente généralement un son double, par exemple [ks] dans taxi, [gz] dans examen ; en conséquence, une coupure ne peut se faire avant ou après un tel x. Mais une coupure peut se faire après un x qui précède une consonne : ex-trême, tex-tuel. Le problème se complique lorsque l'x est suivi d'une consonne qui rappelle sa valeur et son étymologie : ex-cès, ex-sudation. Il convient de ne pas couper après l'x dans un tel cas puisqu'il porte lui aussi la valeur [ks] notamment dans la prononciation emphatique, ou la valeur [k] dans une prononciation rapide. De même si l'x est suivi d'un h, il est préférable de ne pas couper : ex-horter, ex-humer. Ces derniers mots sont d'origine latine et le h est prononcé sans coup de glotte ; même si le préfixe ex- est parfaitement lisible, la coupure étymologique conduirait à contredire la règle précédente.

    b) Lorsqu'x a une valeur [s] ou [z], faut-il couper même entre voyelles ? Le cas de x comme s se trouve dans les noms d'Auxerre, de Bruxelles, de Saulxure (avec un l graphique). Mais ces noms sont malmenés et l'on se retrouve dans le cas a... La valeur z se trouve dans deuxième, sixième, dixième, sixain. La coupure se retrouve aussi dans le cas a, entre deux voyelles... Et le sens du mot est altéré. Contrairement à Grevisse, j'estime que ce genre de coupe est à éviter. 



3. Voyelles séparées par deux consonnes

    La coupure se fait entre les deux consonnes : fer-mer, es-poir, quar-tier, ab-ject, ad-mis, can-ton, ex-pert, mas-sif, ac-cès, al-ler.

 Remarques :
    La coupure se fait cependant avant : 

a) Des digrammes tels que ch, th, ph, sh et gn : ra-chat, pa-thos, gra-phie ou mi-gnon. Ce sont des notations d'un son et l'une des lettres est diacritique. Mais dans stagnant, où gn représente le double son [gn], la coupure se fera entre ces deux consonnes stag-nant. Toutefois la prononciation est fluctuante dans des mots comme magnat... La coupure doit être évitée en cas de doute. Le trigramme schbreitschwanz, groschen, haschisch, herscher, kascher, weltanschauung...–, le tétragramme zschnietzschéen – ne doivent pas être séparés.

b) Une paire de consonnes comportant un l ou un r précédé d'une autre consonne : sa-ble, ra-cler, mu-fle, bi-gle, du-plex, sa-bre, na-cre, ca-dre, sou-fre, mai-gre, stu-pre, bou-tre, ou-vrir.

c) Une séquence ill ou illi lue avec un yod ne se coupe pas : empail-ler, veil-lée, groseil-lier.

d) Une séquence emm ou enn lue avec un [a] ne doit pas être coupée : prudem-ment, solen-nel. Le digramme note la modification de la voyelle.



4. Trois consonnes se suivent

    La coupure se fait après la deuxième : obs-tiné, comp-ter. Les exceptions sont celles signalées sous 3 : mar-cher, mor-phine, ar-bre, ap-plaudir. Mais la coupure est difficile dans tech-nique à cause de la valeur du digramme ch. On évitera de même les coupures non étymologiques comme dans logorr-héique, logor-rhéique, et on préférera alors la coupe avant le trigramme rrh.

     La coupure peut se conformer à l'étymologie plutôt qu'à cette règle, par exemple dans dé-stabiliser (au lieu de dé-stabiliser), in-stituteur (au lieu de ins-tituteur) et atmo-sphère (au lieu de atmos-phère). La coupure étymologique peut correspondre à la règle : post-natal. Elle se place aisément après les préfixes re-, dé-, pré-. Grevisse : « On admet aussi les coupures qui sont fondées sur l'origine du mot, même quand elles contredisent les règles qui viennent d'être exposée. » (le Bon Usage, 13e édition, 1993, § 20.).

    Encore faut-il que les coupures ne soient pas sujettes à plaisanteries : un débat con-sensuel, quelqu'un de con-nu, un argument con-substantiel, le con-texte de ce roman... Et l'on peut éviter aussi : la Bourse cul-butée, le point cul-minant... Question de bon goût... Quelques autres : sus-pect, sus-pense, cons-pue, com-pétent, circons-pect, et l'inévitable concu-piscent, con-cupiscent, concupis-cent... 



 

5. Quatre consonnes se suivent

    La coupure se fait après la deuxième (ins-truction), à moins qu'il y ait un digramme selon 3 qui s'y oppose (cam-phré).



6. Apostrophe

    Une nouvelle ligne (signalée ici par une barre oblique /) ne peut pas être commencée après une apostrophe : de /l'envoyer et de l'en-/voyer sont corrects, mais de l'/envoyer, lorsqu'/elle, prud'/homme, aujourd'/hui ne le sont pas.




7. Fin de ligne, début de ligne

    Il faut éviter de laisser une voyelle seule en fin de ligne : é-loigner. Un mot comme inexact ne peut être coupé : i-nexact laisse une voyelle en fin de ligne, in-exact satisfait à l'étymologie mais coupe entre deux voyelles, inex-act est impossible pour les mêmes raisons et parce que la valeur de l'x est double. Ou de commencer une ligne par une syllabe finale ne comportant qu'une consonne et un e caduc : rapi-de, dis-je. On évite de multiplier les traits d'union dans les noms composés : porte-pa-role. La valeur des traits d'union est différente alors. Mieux vaut la coupe : porte-parole.


 


8. Quelques autres rappels

– Selon les règles de l'art, il est fort mal vu de procéder à des césures sur plus de trois lignes successives. 

– Il est absolument interdit de couper les sigles.

–  Ne pas couper les mots suivis d'appels de note qui seraient rejetés à la ligne sans le terme complet qui les motive. 

–  Éviter de couper le dernier mot d'une page impaire parce qu'il serait isolé sur la page suivante. De même, on évite de couper le dernier mot d'un paragraphe.

–  Ne pas aller à la ligne entre un nombre et l'unité correspondante : 500 / km ;
XVIIe / siècle ; Ier siècle / av. J.-C
. Ne pas les couper non plus pour des raisons de compréhension de l'expression complète : siè-cle.


Savoir couper les mots est un art et un rituel.


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