Les particules dans les noms propres


Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être de garenne, ça pose un lapin. (Alphonse Allais.)

Faut-il écrire la préposition ? Comment ?



Le chevalier François de Hadoque lutte contre des
forbans qui voulaient maltraiter sa particule.


a. Préposition ou non ?

    La préposition précède un toponyme devenu titre de noblesse, réel ou fictif.

– Le nom propre commence par une consonne ou par un h dit aspiré. Le nom propre a plus d'une syllabe. On écrit et dit alors si le nom n'est pas précédé d'un autre terme pour le préciser :  Vigny, Sévigné, Turenne, Richelieu, Habsbourg.
– Ce nom est précédé d'un titre ou d'une autre partie du nom, on utilise alors la préposition : Alfred de Vigny, le marquis de Sévigné, madame de Sévigné, le maréchal de Turenne, le cardinal de Richelieu, Leclerc de Hautecloque (Leclerc était un nom de guerre).
– Le nom propre commence par un article non contracté. On suit la règle de la longueur et de
l'initiale : La Fontaine, La Bruyère, La Rochefoucauld, La Fayette.
– Le nom propre commence par un article contracté. On conserve l'article avec la préposition en majuscule : Du Bellay, Des Touches.
– Le nom propre est monosyllabique. On emploie la préposition : de Thou, de Grasse, de Lattre. Dans les deux derniers cas, le e est caduc, il n'y a donc qu'une syllabe.
Exceptions : les écrivains Retz, Sade sans particule ont été consacrés par l'usage. Le nom Broglie est monosyllabique (prononcer Breuil), sauf à Strasbourg où l'on a entériné la prononciation Broglie dans la place Broglie et non la place de Broglie (Breuil).  
– Le nom propre est polysyllabique et il commence par une voyelle ou par un h dit muet. La particule est conservée dans tous les cas : d'Ornano, d'Aubigné, d'Indy, d'Estrée, d'Harcourt.

b. Majuscule ou non ?

– Le nom est le premier mot d'une phrase. La règle des majuscules initiales s'applique dans tous les cas : D'Aubigné est un poète de la Renaissance.
– La particule est d'origine nobiliaire : pas de capitale. La particule n'est pas d'origine nobiliaire : capitale dans tous les cas, même si la préposition est disjointe du nom. La règle semble simple, mais c'est sans compter avec les cas où l'on doit employer la particule : article contracté, nom monosyllabique, nom commençant par une voyelle.
– Si l'article est contracté, il est fréquent de voir le nom nobiliaire classé à la lettre D parce que l'ouvrage comporte une capitale nécessaire à l'initiale d'un titre. L'Olive de Joachim du Bellay sera ainsi répertoriée à Du Bellay et non à Bellay, mais un article pourra renvoyer de Du Bellay à Bellay (du). Il en va de même avec les noms commençant par voyelle, les pièces de Claude d'Aquin ou Daquin peuvent se retrouver dans les A ou les D. Si l'article est agglutiné, on peut trouver les morceaux de Lalande ou de De La Lande à Delalande, donc à L ou D.
 
C'est sans compter quelques autres subtilités :
– Nom noble banalisé avec ou sans agglutination : Desmarets de Saint-Sorlin, Guillaume du Vair ou Du Vair.
– Nom de guerre des courtisanes : Liane de Pougy, Marion Delorme ou Marion de l'Orme.
– Noblesse d'emprunt des artistes : Honoré de Balzac, en fait Honoré Balsa, Gérard de Nerval, Gérard d'Houville (Marie de Régnier, née Heredia). C'est particulièrement vrai  pour les auteurs canadiens, Mazo De La Roche sera aussi Mazo de La Roche chez certains.   
– Nom noble passé à l'étranger et subissant des changements : Daphné et George du Maurier ou Du Maurier. Les formes varient selon les éditions.
En fait, les pseudonymes et les surnoms possèdent la même origine que les noms nobiliaires. L'absence de capitale semble indiquer que le nom est noble, mais il convient de se méfier.


c. Noms étrangers

– La particule est une partie intégrante du nom. C'est notamment le cas des noms d'origine néerlandaise où De représente l'article défini le : De Waere. Parfois cet article a été agglutiné au nom, ce qui résout le problème.   
La présence de la majuscule induit le classement alphabétique. Toutefois, il existe une exception notable : la famille de Gaulle. Le nom flamand (de walle, le rempart) a été écrit sans la majuscule par le général.
– Dans le cas des noms italiens, l'usage est d'employer toujours la particule, noble ou non. Mais il existe des ambiguïtés. Léonard de Vinci est originaire du village de Vinci, l'usage ancien est consacré ; on conserve néanmoins la préposition pour Da Ponte. Le marquis de Lampedusa en revanche est classé à L, la famille des Médicis à M. Ces exceptions sont rares.
– Pour les noms espagnols et portugais, on se référera à l'usage français.

d. Répéter la préposition ?

Il convient de la répéter dans les cas où elle est obligatoire : nom monosyllabique (l'offensive de de Lattre), nom commençant par une voyelle ou un h dit muet (les œuvres de d'Indy), nom comprenant un article contracté (les poésies de du Bellay). Certains comme Girodet préconisent de porter la particule en capitale afin d'éviter l'équivoque et de ne pas faire croire à un bégaiement. Cependant, cette pratique montre que l'absence de capitale dans les autres cas est abusive et qu'il n'y a pas lieu de savoir si un nom correspond vraiment à un titre de noblesse ou pas...  « Les mémoires de De Gaulle » illustre bien le fait que l'absence de capitale dans « les Mémoires de guerre par Charles de Gaulle » est un tantinet abusive...

    Les raisons de l'absence de particule sont multiples :
– Usage familier dans le milieu de la noblesse à l'époque classique où l'on s'interpellait et se désignait par un nom interjeté (Eh ! Cinq-Mars !).
– Ellipse en ancien français de la préposition (l'hôtel Matignon n'est pas différent de l'hôtel-Dieu ou hôpital de Dieu, sous la protection de Dieu) lorsqu'elle n'induit pas un rapport particulier.
– Soupirs des auteurs d'index, de dictionnaires, de bottins... Imaginons un annuaire avec plus de la moitié des noms dans les D... On a donc fait passer la préposition entre parenthèses et minuscules quand elle n'avait pas été agglutinée. Le problème est identique à celui de l'article défini dans les titres d'ouvrages qui se retrouveraient presque tous à la lettre L sans une ferme intervention, ou bien à l'énormité de l'initiale S au Québec à cause de Saint, de D et de V en Belgique à cause de De et Van
 
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