L'organisation du temps dans le récit


1. La chronologie

Le récit raconte une histoire, celle-ci est composée d'une suite d'événements qui ne sont pas forcément énumérés dans leur ordre. 

Exemples
Aspects
Vers le point du jour, nous aperçûmes une grande nappe d'eau.    L'action est située à un moment, une date précise et fixe.
Ils aperçurent le lac lorsque le jour se levait.
L'action est simultanée à une autre.
Ils aperçurent le lac avant le lever du jour.
L'action est antérieure à une autre
Ils aperçurent le lac après le lever du jour.
L'action est postérieure à une autre.
Le jour se leva, soudain ils aperçurent le lac.      L'action est subite.
De temps en temps, nous nous arrêtions.
Une fois, nous nous arrêtâmes.
La fréquence des actions est indiquée. Ce sont des actions itératives (ou répétées) ou des actions ponctuelles (ou uniques ou singulatives)



2. La durée

Exemples
Variations de la durée
Le voyage dura trois heures.
absolue, précise, accomplie, bornée
Le voyage durait depuis trois heures déjà.
relative, précise, inaccomplie, non bornée
Nous nous arrêtions un instant. relative, imprécise, non bornée, brève
De là, en deux heures, j'arrivais dans la patrie de Jean-Jacques Rousseau.
relative, précise, accomplie, non bornée

La durée d'une action peut être bornée ou non bornée selon que l'on considère le point de départ et le point d'arrivée :
Il travailla cette année et il n'obtint pas son bac. Les points de départ et d'arrivée sont fixes. Il a travaillé seulement durant cette année, le fait est considéré comme révolu, accompli.
Il travaillait cette année et il n'a pas obtenu son bac . Il n'y a pas de vraies limites à l'intérieur de cette année et l'action a pu commencer ou se poursuivre en dehors de cette année.
Il a travaillé cette année sans obtenir son bac. Le point de départ est fixe, le point d'arrivée est incertain. Il peut avoir continué de travailler après cette date, mais il ne travaillait pas avant.

3. La fréquence

Une action peut être :
– unique, ponctuelle, singulative : il est né en 1904 ;
–  répétée, fréquente, habituelle, itérative : il prend le bus tous les jours ;
– générale : il n'aime pas le bus.

4. La date

Une date peut être située par rapport à une autre, on dit alors qu'elle est relative car elle dépend du moment central de l'histoire ou d'autres dates données avant ou après. Elle peut être aussi située indépendamment des autres actions du récit, on dit alors qu'elle est absolue.

La date relative ne peut être fixée qu'en tenant compte des autres indices temporels dans le texte. Elle appartient à la chronologie du récit proprement dit. La date absolue existe en dehors même de l'histoire et de son récit. Si l'auteur écrit « ce jour-là » et non « le premier janvier », la date ne peut être déterminée qu'en fonction des autres éléments présents dans la fiction.

La date peut être aussi précise ou imprécise. Si l'auteur écrit « un jour », l'action n'est pas située à un point précis dans le déroulement de l'histoire. Le déterminant indéfini n'indique pas de quel jour il s'agit. Si l'auteur écrit « ce jour-là », l'action est située dans l'axe des temps. Le déterminant défini exclut le flou.

Les dates changent aussi selon que l'on emploie le système du discours ou du récit.

Discours
Récit
la semaine dernière
avant-hier
hier
l'autre jour
il y a quelques heures
récemment
aujourd'hui
ce matin, ce soir
maintenant, en ce moment
dorénavant
bientôt, prochainement
demain
après-demain
dans deux jours
la semaine prochaine

la semaine précédente
l'avant-veille
la veille, le jour précédent
un jour auparavant, un jour précédent
quelques heures plus tôt (auparavant)
peu auparavant, peu avant
ce jour-là
ce matin-là, ce soir-là
à ce moment-là, à cet instant-là, alors
dès lors
peu après, un peu plus tard
le lendemain, le jour suivant
le surlendemain
deux jours plus tard
la semaine suivante


5. Le rythme du récit

Le temps du récit (le texte écrit) ne correspond pas au temps de l'histoire (les événements racontés et vécus). Le récit (diégésis) n'est pas la stricte reproduction (mimésis) de la réalité. Il possède un temps propre.

Exemple
Différence entre le temps du récit et le temps de l'histoire
Intérêt du procédé
Procédé
Nous aperçûmes le lac. Une heure après, nous prenions le café.
Une partie de l'histoire n'est pas racontée entre la vision du lac et l'arrivée au café. Les temps morts, les actions peu importantes sont éliminées. L'intérêt se concentre sur l'essentiel. Toutefois, l'auteur peut aussi taire un événement important pour entretenir un mystère. Ainsi, les scènes de meurtre dans les romans policiers classiques ne sont pas racontés, mais  reconstituées  après coup.
Ellipse narrative
Le Rhône coulait à notre droite... De temps en temps, nous nous arrêtions.
Des événements secondaires ou des éléments appartenant au décor sont décrits. L'action ne progresse pas.
Le rythme du récit est ralenti. Des explications sont fournies, des indications sur la toile de fond de l'histoire sont données. Cela contribue à créer une atmosphère, un ton.
Description ou pause narrative
Vers le point du jour, nous aperçûmes le lac... Une heure après, nous prenions le café... De là en deux heures, j'arrivais...
Le récit se déroule sans aucune pause. Il n'y a aucun décalage entre l'espace-papier et l'espace-temps.
Le rythme du récit ne subit aucune pause ou transition. La scène peut être amplifiée dans le cas d'un dialogue ou d'une suite d'actions. Le récit devient plus vivant, animé.
Scène
Durant trois ans, il voyagea.
Il a voyagé des années.
Il voyageait depuis des années?
Le récit s'accélère et un temps fort long est raconté en peu d'espace-papier.
Le récit prend une longue tranche de temps comme un tout qui explique les transformations des personnages ou du paysage.
Résumé ou sommaire
Il ne se doutait pas alors que, deux heures plus tard, il rencontrerait un ami d'enfance.
Le narrateur intervient et annonce un événement futur. Le fait n'est pas dans l'ordre linéaire de la chronologie.
Le récit permet de susciter l'intérêt du lecteur, mais aussi de mettre en perspective des événements de manière ironique et distanciée. C'est un procédé courant du roman-feuilleton qui fait appel à un narrateur omniscient ou bien des textes autobiographiques qui jouent sur le décalage entre le temps de l'écriture et le temps du récit.
Anticipation ou prolepse
Je me souvins alors que, deux ans auparavant, au même endroit, j'avais parlé avec un ami.  Le narrateur revient sur un fait antérieur au moment central du récit, que ce fait ait été ou non déjà raconté.
Le récit fournit des explications sur des faits qui nécessitent un nouvel éclairage ou bien sur  les faits présents à la lumière du passé. Les reconstitutions dans les romans policiers classiques formulent une histoire qui s'est déroulée auparavant.
Retour en arrière ou analepse

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