La zorglangue
Le quinzième album
des aventures de Spirou et Fantasio,
Z comme Zorglub, paraît en 1961. Ce
personnage intervient de nouveau en 1962 dans
l'Ombre du Z.
André Franquin, le dessinateur à l'époque,
souhaitait en fait faire de Zorglub un des personnages principaux de la
série. L'album suivant, initialement
QRM sur Bretzelburg, devait
avoir comme personnage central Zorglub.
Greg, co-scénariste de Franquin, raconte :
« Franquin lui [Charles Dupuis, l’éditeur] a
raconté
l’histoire en commençant par “C'est Zorglub qui...” et Dupuis
l'a
arrêté par un “Non, Zorglub on vient d’en prendre deux
histoires de
suite, je n'en veux plus.” »
Franquin ne dessinera plus Zorglub que dans Panade à Champignac.
Le personnage de Zorglub a été inventé par
Franquin. L'origine du nom est énigmatique. Il est
prétexte à différents anagrammes dans
les marques Zugol+BR et Zbul Gor. On notera au passage que sa
volonté de domination n'est pas seulement militaire et
scientifique, il veut aussi régner commercialement, ce qui le
conduira à vouloir faire de la publicité sur la Lune avec
ses Z-fusées, ce sera un autre échec.
Dans
l'Ombre du Z, il se fait
passer pour un journaliste nommé Zug Brol, ce dernier mot
désigne en Belgique francophone un désordre, un
bric-à-brac. Le personnage est marqué par
l'omniprésence de la lettre Z initiale, comme dans le nom du
mauvais cousin de Fantasio, Zantafio qui a été
zorglhommisé.Cet aspect mégalomaniaque du personnage est
dû au scénariste Greg. Zorglub inscrit par exemple son Z
dans la bibliothèque de Champignac, son condisciple et rival. Il
se déplace en zorglumobile ou en zorgléoptère et
en grand équipage afin de soigner des entrées
théâtrales, mais elles s'achèvent dans le ridicule.
Cette obsession autour de son nom se traduit dans les
désignations des villes secrètes de zorglhommes un peu
partout dans le monde : Zorgland, Zorgrad, Zorg-City, Zorg-les-Bains,
Zorgville, Zorgburg... Le choix du Z est significatif : Zorglub est en
fait rongé par l'idée qu'il est le dernier, qu'il est un
raté, comme le montre ses pleurs à la fin de
Z comme Zorglub.
L'invention de la zorglonde lui permet de modifier le comportement
humain. Elle rend possible l'invention d'une armée personnelle,
les zorglhommes qui sont d'anciens policiers ou militaires. Ceux-ci
s'expriment en zorglangue. Cela consiste à prononcer ou
écrire les mots à l'envers, mais en conservant l'ordre
normal des mots. Zorglub considère cette langue comme sa «
plus habile invention », mais c'est une sorte de perversion, la
vraie langue est seulement retournée.
Franquin dénonce ainsi le langage de la propagande et de la
publicité, les zorglhommes sont en réalité des
zombies aux gestes mécaniques. La symbolique des couleurs noire,
rouge et blanche autour du Z rappelle en outre les emblèmes
nazis, le pouvoir de Zorglub n'opprime pas seulement comme une banale
tyrannie : il s'empare des cerveaux et il aliène.