Les allographes sont des procédés pour écrire différemment des mots. On transcrit un mot ou une phrase par des homonymes. Le terme allographe est néanmoins polysémique, il peut désigner aussi quelqu'un qui écrit dans une autre langue, cet autre sens qui existe dans l'enseignement ou dans la traduction. Il en existe un troisième pour la paléographie ou l'étude des manuscrits : écriture par un tiers dans un texte.
Voici des allographes reposant sur une homophonie :
— La rue meurt de
la mer. Île faite en corps noirs. (Jean Cocteau). Il faut lire
: La rumeur de la mer. Il fait encore noir.
— Sceau d'hommes égaux morts
seaux d'eau mégots morts. (Prévert.)
L'allographe débouche sur le jeu des vers holorimes ou qui riment
sur la totalité du vers.
Ces allographes lexicaux
peuvent jouer seulement sur la paronymie ou ressemblance de sons :
— Existence devient aiguesistence pour les poissons, ogresistence pour
les homards, ou eggsistence pour la vie en coquille. (Raymond Queneau.)
Ils peuvent être bilingues et reposer sur un à-peu-près : butte ouaille, œuf corse (San-Antonio), sot rit, Saint-Cloud Paris-Match (San-Antonio).
Les allographes peuvent être aussi constitués de signes (lettres, chiffres, notes) qui sont lus avec leur nom conventionnel et pas avec leur valeur symbolique, ce qui permet de construire un mot. Chacun des signes n'a pas de sens en lui-même, au contraire du sigle et de l'abréviation : HT peut être un allographe pour « acheter » (deux consonnes pour les syllabes phonétiques d'un seul mot) ou une abréviation pour « hors-taxe » (deux premières lettres seulement et non pour leur nom épelé). Le sigle est le contraire même de l'allographe, sauf sur un point : il faut aussi épeler. Pour l'allographe, on lit les fausses abréviations de sons. On construit des mots à partir d'une autre lecture : l'épellation des lettres. On peut considérer que les rébus sont des allographes.
Nous allons distinguer les différents allographes :
Allographes alphabétiques :
AID KN N É O
PI DIN É LIA ÉT LV.
L SMIT AT.
LI ZLHOP OQP HAUT AVQO AB A HR LUK EVK C.
Alphonse Allais.
ABI ABI
G AC CD ME OBI
É WQ RÉV FUI
OJVMO MIL MR
ABI ABI
LN MA FY LHR LÉT...
Louise de Vilmorin.
LNAHO OLHOLNA LAOTCO
LCABC GCD...
Michel Polnareff.
O.T.É. F.A.C.
L.É.O. 4 I.M. C. A. C. L. V. É. 13 É. 3.
C.A.C... J.V. +
Allographes musicaux :
Do mi si la do ré
Allographes mathématiques ou numériques
:
3AB OQP HIÉ
—————— = 3QBC
3 (pi) R²
Ces allographes se combinent le plus souvent avec des lettres. Ils rentrent
dans des formes d'abréviations ou dans ce que l'on nomme le langage
texto ou SMS. Par exemple :
A1 2 C4
7wa
10 moi 8
Je 9 veux pas
4rine
4U, en anglais : for (four) you
2U, en anglais : to (two) you
Allographes abréviatifs, semi-abréviatifs, faux sigles :
Certaines graphies sont
des allographes alphabétiques complets et de faux sigles à
lire en épelant :
les groupes musicaux INXS, XTC, U2, 2B3. Mais l'abréviation peut
reposer parfois sur l'épellation d'une lettre et non sur sa valeur
phonétique.
Les demi-abréviations
sont courantes en anglais : Xpost, Xroad, Xpedestrians, xing. Mais leur
lecture est très différente. Il s'agit d'une abréviation
pour « cross » alors que le Xmas contient le khi grec de Christ. Les X
représentent alors des mots complets différents.
Dans le cas d'Xtra,
on a un allographe partiel puisque la valeur de la lettre est celle de son
épellation en anglais, tout comme dans Windows XP (mais avec
abréviation par apocope pour « expe(rience) ». Xtra
donne d'ailleurs l'abréviation complète dans les indications
de taille XL (Xtra large). Le X peut aussi signifier
« extended » : le langage XTML. Il en existe
un grand nombre en informatique à partir de ce sens. On a alors affaire
à un déplacement de la siglaison puisque ce n'est plus la
première lettre du mot qui contient le sens, mais la lettre qui correspond
à une épellation homophonique de la première syllabe.
Le jeu est à plusieurs niveaux.
L'allographe se combine
avec de véritables abréviations :
— Fu2, ou « follow-up to », en français « suivi
à ».
— P2P, ou « peer to peer », littéralement
« de pair à pair ».
NRJ était la
Nouvelle Radio Jeune et pas Radio-Énergie comme l'affirme imprudemment
Gagnières. Mais ce nom développé n'a jamais été
mis en avant, sauf au tout début dans les slogans. Puis on l'a remisé.
En fait, le nom et le faux sigle n'ont pratiquement fait qu'un depuis le
départ. Il n'y a jamais eu de séparation entre les lettres
dans le logo.
Revenir au cabinet de curiosités