La lettre d


Histoire

La lettre delt, daleth aurait signifié « battant de porte ». Mais sa forme proto-sinaïque était celle d'un poisson. Le signe adopte l'aspect d'un triangle en phénicien, puis en grec delta Δ, δ. Pourquoi une porte triangulaire ? Cela pourrait être une ouverture, un pan de tente.

L'aspect de la lettre change en étrusque. La lettre prend la forme d'une demi-lune, avec la hampe à droite ou à gauche selon le sens de l'écriture. Il convient de remarquer que cette lettre a été parfois échangée avec le R. En osque, en ombrien et dans l'alphabet de Novilara, le D est écrit sous la forme d'un R inversé avec sa barre oblique (ce sont des écritures de droite à gauche) et le R comme un D inversé. Ce sont en effet les deux seules lettres présentant un seul demi-cercle et elles ont pu être confondues.

Dans le système de la numération grecque, δ valait 4. Dans le système des abréviations grecques, Δ ou delta signifie dêka, dix . Dans le système de la numération latine, D vaut 500. Mais ce dernier D n'est pas issu du delta grec. Il s'agit en fait d'un phi coupé. Les Romains n'avaient pas besoin de certaines lettres grecques qui ne correspondaient pas à des phonèmes de leur langue. Trois d'entre elles vont servir à noter des nombres, thêta (C, cent), psi (L, cinquante) et phi. Le phi Φ se simplifie en M arrondi, avec une barre médiane. Le signe vaut mille. Ce phi se coupe ensuite en deux pour former un D, cinq cents ou la moitié de mille.

L'écriture cursive de la basse latinité présente deux sortes de d minuscule. L'un avec une boucle orientée seulement à gauche qui est hérité du delta minsucule, l'autre avec une hampe droite et haute. La première graphie survivra dans l'écriture dite gothique, à ne pas confondre avec la Fraktur. La deuxième graphie s'observe à l'initiale des mots ou des éléments de mots composés. L'écriture romane, puis médiavale procédait donc comme l'écriture grecque qui utilisait un  bêta initialβ et un bêta central ϐ, un sigma initial et central σ et un sigma final ς. Notre d minuscule est issu du d initial par analogie avec les autres lettres pourvues d'une hampe ou d'une queue. Ce n'est pas sans conséquences pour la dyslexie.

Le delta grec va donner naissance à une autre lettre, le eth, Ð, ð. Cette lettre est présente dans les textes en norrois et en vieil anglais, avant le XVe s. Il s'agit d'abord d'une lettre diacritée, obtenue par l'ajout d'une barre qui trouve son origine dans l'emploi de la barre pour différencier G et C à partir de gammaΓ, de la barre distinguant en grec ancien le gamma et le digamma (deux gamma, notre f) Ϝ, de la barre médiane du t distinguant cette lettre de i sans point alors. Le eth anglais était en concurrence avec le thorn pour les mêmes emplois. Ce sera simplifié en th sous l'influence anglo-normande. Toutefois, le eth survit en islandais où il note une consonne proche de /z/. La lettre figure juste après le D dans l'alphabet islandais.

L'ancien français a employé le digramme dh pour noter une dentale similaire à celles de l'anglais, par exemple cadhuna (chacune). Cette convention a été intermédiaire.

Le grec possédait aussi un autre D, le dzéta, Z, ζ. La lettre notait une affriquée. Elle n'était pas utile en latin car celui-ci ne connaissait ni l'affriquée, ni la consonne sonore du fait du rhotacisme ; mais elle sera empruntée à la fin de la république afin de transcrire les mots étrangers et sa prononciation sera simplifiée en /z/ comme cela avait eu lieu en grec.

Le vietnamien possède deux d. La romanisation quôc-ngu a créé la lettre đ, Đ.

Le tchèque emploie un D pourvu d'un haček qui s'écrit Ď ou ď. Le signe qui suit n'est pas une apostrophe, mais une partie de la lettre. Il s'agit d'un d palatal, avec une mouillure, comme pour d'autres lettres de la même langue.


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