La lettre d


Prononciation

À la fin des mots et après une nasale ou après r, il est ordinairement muet : grand, il rend, il perd. S'il sonne sur la voyelle suivante, il sonne comme un t : grand homme, gran-t homme.

Le d ne forme pas liaison dans des mots comme nord-est, nord-ouest. Voir à ce sujet la lettre r.

Dans la plupart des livres que l'on imprime aujourd'hui [au XVIIe siècle], on ôte le d de tous les mots où il ne doit point se faire sentir ; ainsi, comme on trouve écrit avenir, avis, ajourner, ajuger, ajuster, on ne saurait point se tromper à la prononciation de ces mots ; plusieurs font encore sentir le d dans adversité, mais tout le monde prononce aversaire. (Vaugelas)


La syncope du d  à cette époque explique un certain nombre de doublets : avenir et advenir (voir ces verbes). Ou encore des divergences : aversion et adversité. Il y a eu rétablissement des lettres en fonction de la graphie au siècle suivant pour adjuger par exemple. L'anglais puise dans un français antérieur : advertisement, advice. On peut signaler la syncope fréquente dans le nom de Sindbad le marin prononcé souvent Sinbad en oubliant la racine Sind qui renvoie à l'Inde, à l'Indus, au Sindh.

Le d se prononce en finale dans des mots d'origine étrangère : oued, oud, fjord, lord, lied, lad, ried, rand, round, trend, Sindh.

Aurore Dupin, en 1830, a une liaison avec Jules Sandeau.  Ils écrivent ensemble Rose et Blanche qu'ils signent
Jules Sand. C'est en 1832 qu'elle commence à signer George Sand. Le d provenant de la troncation du nom se prononce à la différence de grand.

Le nom de la ville de Gand se prononce avec un d en Belgique, suivant son origine flamande Gent. Le d ne se prononce pas en France, la ville rime avec gant.

En revoyant le téléfilm la Controverse de Valladolid, j'ai été un peu étonné d'entendre Jean Carmet prononcer le nom de l'ancienne capitale espagnole sans le d : « va-la-do-li ». Je passe sur l'absence d'l mouillé, ce qui est assez habituel en français. Toutefois, je me suis demandé si une ancienne prononciation classique de ce nom de ville n'avait pas été conservée au théâtre. Au XVIIe s., on ne prononçait pas en finale les d dans des noms comme David, Friedland (Frié-lan), Groenland ou Oxford. Le rétablissement du d est contemporain. Je me dis alors qu'une ancienne prononciation de Madrid a dû être aussi « madri » à l'époque du Ci de Corneille.

L'idée d'une prononciation française classique avec une finale muette se vérifie chez Victor Hugo dans Ruy Blas :
[...]Tout seigneur à ses gages
À cent coupe-jarrets qui parlent cent langages.
Génois, sardes, flamands, Babel est dans Madrid.
L'alguazil, dur au pauvre, au riche s'attendrit.
Et :
[...] Est-ce que, sans reproche,
Quand votre sort grandit, votre esprit s'amoindrit ?
Réveillez-vous, Ruy Blas. Je vais quitter Madrid.

Ce genre de prononciation rejoint la prononciation hispanique où Madrid a une finale assourdie et presque spirante en finale, voire inexistante dans le castillan méridional.

Par contre, dans Hernani d'Hugo la rime de Valladolid ne laisse pas de doute. Extrait de la célèbre scène de la galerie des portraits (j'en passe et des meilleurs !) :
Passant au portrait suivant.
Voici don Galceran de Silva, l'autre Cid !
On lui garde à Toro, près de Valladolid,
Une châsse dorée où brûlent mille cierges.
Il affranchit Leòn du tribut des cent vierges.
Le nom du Cid a toujours conservé sa finale en français puisqu'il s'agit d'un monosyllabe étranger.

Ce doit être identique dans la Légende des siècles :
Ce pays ne connaît guère,
Du Tage à l'Almonacid, 
D'autre musique de guerre
Que le vieux clairon du Cid.

Un cas particulier est le nom Léopold. Il est prononcé sans d en Belgique et c'est normal après trois souverains, beaucoup de rues et d'avenues. En revanche, le d est rétabli en France.

Revenir à la lettre d

Revenir au cabinet de curiosités