L'élision est une forme d'abrègement qui concerne les voyelles finales lorsqu'elles sont en contact avec d'autres voyelles, l'amuïssement de la voyelle finale fait que la consonne du mot qui précède forme une syllabe avec la voyelle du mot suivant. L'élision est une apocope et donc un métaplasme. En français, l'élision n'a lieu que pour l'e dit muet final (excepté les deux mots la et si). Du latin elisionem, du supin elisum, de elidere « écraser». Le phénomène de l'élision est la fois graphique (apostrophe) et phonétique, dans ce dernier cas le contraire se nomme disjonction. Il convient de distinguer parmi ces élisions :
– les
élisions lexicalisées ;
– les
cas particuliers ;
– les
exceptions ou disjonctions ;
– les
élisions populaires ;
– les
élisions anciennes et historiques.
Ces élisions concernent des mots grammaticaux, leur emploi est jugé correct lorsqu'elles se trouvent devant voyelle. Elles sont signalées par une apostrophe :
– Pronoms personnels : j' (je),
m' (me), t' (pour te, mais non pour tu), l'
(le, la), s' (se).
J'y vais. Je m'en vais. Je t'ai dit. Va-t'en (voir impératif). Je l'ai donné.
Il s'est coiffé.
Remarque : l'élision est intégrée
dans des mots comme : un sot-l'y-laisse, un je-m'en-foutiste.
– Pronom démonstratif : c' (ce,
cela).
C'est bien.
Remarque : ça ne s'élide
pas, ça arrive. Cette élision se trouve dans la phrase
de Fernand Raynaud « Ç'a eu payé. » avec
un passé surcomposé faussement transcrit par « Ça
eut payé. ».
– Article défini : l'
(le, la).
L'alphabet. L'orange.
– Préposition ou article indéfini
: d' (de).
Vivre d'espoir. D'aigres reproches.
Remarque : l'élision est intégrée
dans des mots comme aujourd'hui, prud'homme, prud'homal (mais non
dans prudhommerie, prudhommesque ce dernier étant dérivé
d'un nom propre par antonomase.)
– L'adverbe négatif : n'
(ne)
Je n'y peux rien.
– Le mot que (conjonction de subordination,
pronom) :
Qu'il vienne. Qu'est-ce que c'est ?
Les mots composés avec que sont aussi
soumis à l'élision mais sous certaines règles : jusque,
lorsque, parce que, presque, puisque, quoique. Chacun est traité dans
les exceptions.
– L'adverbe si :
S'il le veut.
Remarque : la langue populaire a tendance à
ne pas pratiquer cette élision. Si il veut.
Certains mots ne sont pas élidés dans des conditions précises. Cela concerne surtout les composés de que, mais aussi d'autres mots grammaticaux.
– Contre
L'élision ancienne
de contre est indiquée par une soudure sans apostrophe dans
contrordre, contralto, contrescarpe. Il n'y a pas d'élision
graphique devant d'autres mots.
– Entre
Les mots suivants ont
été écrits avec une apostrophe jusqu'en 1932 : entracte,
entrouvrir, entraide, entraider.
Les mots suivants sont
encore aujourd'hui écrits avec une apostrophe : s'entr'aimer, s'entr'appeler,
s'entr'avertir, s'entr'égorger, s'entr'apercevoir.
Il n'y a pas d'élision
devant d'autres mots.
– Jusque
Le e caduc est élidé
devant voyelle. Jusqu'à présent, jusqu'où, jusqu'ici.
Néanmoins il existe une paragoge dans quelques expressions figées
: jusques à quand, jusques et y compris. L'élision
entre dans des mots composés comme jusqu'au-boutiste, jusqu'au-boutisme.
– Lorsque
Ce mot n'est élidé
que devant les mots suivants : il, ils, elle, elles, on, en, un, une. Lorsqu'il
fait froid, mais lorsque arrive l'hiver, lorsque à ce jour.
– Parce que
Il ne s'élide
que devant à, il, ils, elle, elles, on, un, une. Parce qu'il
fait froid. Parce que en février.
– Presque
Ce mot ne s'élide
que dans le nom composé presqu'île. Presque exact.
– Puisque
Il ne s'élide
que devant il, ils, elle, elles, on, en, un, une. Puisqu'il partit. Puisque
aussitôt il partit.
– Quelque
Il n'est élidé
que devant un afin de former le pronom indéfini
quelqu'un...
– Quoique
Il n'est élidé
que devant il, ils, elle, elles, on, un, une. Quoique à
vrai dire. Quoiqu'en mars.
Les exceptions
ou disjonctions
Devant certains termes il convient de ne pas pratiquer d'élision pour des raisons de sens. Ces disjonctions sont expressives.
– Un
Lorsqu'il s'agit d'un cardinal non suivi d'un
autre nombre : une tige de un mètre, une tige d'un mètre
vingt.
Lorsque c'est un cardinal : la scène
du un (acte I), le un est arrivé en tête, il vit au un
Grand-rue.
– Une
La première page : la une du journal.
La première chaîne : il n'y
en qu'une, c'est la Une.
– Onze, onzième
Le onze de de France. La onzième
heure.
Mais il n'y a pas d'élision normalement
dans le bouillon d'onze heures.
Voir aussi les pages sur huit et sur onze.
– Énième, ixième
Le énième degré.
Ce n'est pas impératif pour l'ixième
qui n'est pas reconnu par les dictionnaires courants.
– Uhlan
Une troupe de uhlans.
Sans doute par fausse compréhension
du h, par citation d'un mot étranger ou par volonté
de ne pas confondre avec une expression homophone du lent.
– Ululer, ululement, ululation
Sans doute parce que l'ancienne graphie était
hululer et que le h y est mal lu.
– Par valeur de citation :
Le oui.
Facultativement :
Le h dit aspiré. Le e dans l'a.
Pour plus de détails, voir la page
sur les liaisons.
Ces
élisions interviennent dans des séquences de mots devant consonne.
L'élision fait alors chuter une voyelle sur deux.:
– En position paire :
Je m' le d'mande.
– En position impaire
: J'me l'demande.
L'élision impaire
aboutit à des crases ou contractions de phonèmes : chais
pas (je ne sais pas), ch'peux. La consonne est assimilée
par une sourde suivante : chuis pas (je ne suis pas). Ou bien son
timbre est modifié devant une consonne sourde : ch'crois, ch'tiens.
Mais elle n'est pas modifiée devant une consonne sonore : j'veux,
j'dois.
L'élision est ancienne dans « faites encore » prononcé « fait' encor » par Thomas Corneille. Elle ne respecte pas obligatoirement la liaison qui indique la marque du pluriel et elle ne tient pas compte de la présence du s graphique.
Elle survient pour d'autres voyelles que le e caduc : t'veux ? ç'allait. Ces formes sont comparables aux élisions anciennes et disparues. Si la forme par aphérèse z'allez bien ? (vous allez bien) ou par syncope v'z' êtes est plus fréquente, on rencontre devant consonne une apocope : v'pouvez, v'voulez.
L'insistance sur les syllabes impaires produit deux phénomènes
:
– Le e parasite : poure
rien, le parc-e des Princes, expresse. On n'a pas affaire à une
contre-élision.
– Le e interverti par
métathèse : S'courir eul monde riche (Jehan Rictus).
Les mecs ed' la rue (Benjamin). Ej' m'occupe jamais du ménage
(Bruant).
La
contre-élision est parfois accomplie dans des registres plus savants
: le hiéroglyphe, la hyène, le hiatus.
Mais le français
populaire pratique l'élision devant des mots qui devraient être
sujets à disjonction : l'haricot, l'handicapé.
Ce phénomène débouche alors sur celui des fausses liaisons
: entre-quatre-z-yeux, les Quat'z-arts.
Les élisions anciennes et historiques :
En ancien français,
les possessifs ma, ta, sa s'élidaient devant
voyelle : s'espée, son épée. Les formes mon,
ton, son au féminin ne sont apparues qu'au XIIe
s. (saint Bernard). Ces formes survivent dans les expressions ma mie (fausse
coupe de m'amie), faire des mamours (agglutination de
m'amour), tante (t'ante).
Voir aussi le traitement des agglutinations.