Le é euphonique
On trouve à la place des conjugaisons attendues des
présents une forme en é. D'où vient-elle ?
Pourquoi a-t-elle lieu et comment ?
Histoire
Du XVe au XVIIIe s. , on trouve des formes en ai et peu souvent en é.
Mes jours* sont en danger, & ce mot doit suffire,
Si quelqu’autre que vous sçait ce que je vais vous dire :
Mais dussay-je mourir, tout me semblera doux
Quand j’auray signalé l’amour que j’ay pour vous.
(Boursault, Germanicus, IV, 1)
Vous aimer, vous le dire, aprés mon inconstance,
Cette graphie se retrouve aussi dans la première édition des
Fourberies de Scapin. Elle est fréquente jusqu'à la fin du XVIIIe s, même si Vaugelas réclamait dans ses
Remarques la graphie en
é
afin de rattacher les verbes à leur désinence plus
ordinaire. Même Rousseau écrit : « Quels traitements
cruels n'eussai-je point esssuyés ? » (
Confessions, I).
Pourquoi un é et non un è ?
L'accent grave a été réservé jusqu'en 1740
aux distinctions d'homophones grammaticaux. L'accent aigu était
le seul accent employé afin de noter que la voyelle e
n'était pas un e caduc, mais soit un e ouvert, soit un e
fermé. Toutefois, quelqu'un de fort normatif comme Thomas
dans son Dictionnaire des difficultés (Larousse) écrit
explicitement : « on remplace ce e muet par un é
fermé (qui toutefois se prononce comme un è ouvert)
». Les rectifications orthographiques de 1990 proposent
d'écrire è ouvert afin que la graphie corresponde
à la prononciation soutenue et classique.
Les raisons du é euphonique
Lorsque le pronom personnel je est postposé, le e final du verbe
devient tonique. La langue ne supporte pas deux syllabes atones de
suite en finale, ou bien elle procède à une syncope d'une
syllabe, ou bien elle en renforce une autre par cette paragoge.
L'inversion du sujet se produit notamment dans :
– la phrase interrogative soutenue : me trompè-je ?
– la phrase exclamative : quel
On doit éviter encore
l'inversion de « je » pour les verbes en -ger comme manger, songer,
venger, ranger...