Le h faussement étymologique


Le h a été introduit à la fin du XIIe s. comme lettre diacritique. Ce h s'oppose souvent à l'étymologie. On le trouve dans des mots qui comprennent la séquence ui qui pouvait être lue vi ou uj en l'absence des lettres ramistes. Le h peut être aussi dû à de fausses interprétations étymologiques.

1. Les erreurs d'étymologie

Haleine : le mot s'est d'abord écrit aleine (1080), alene. Le h vient du latin halare, d'où anhelare. Le terme soulève des difficultés, alener pour aneler serait une métathèse. L'ancien italien utilisait alena, l'italien contemporain lena par fausse coupe ou déglutination. Le h est aussi dû à une distinction avec l'homonyme alene ou poinçon.

Heur s'est d'abord écrit eür, aür (1160). Le mot vient du latin impérial agurium, en latin classique augurium « présage » qui subit une syncope à la post-tonique. Il a été confondu avec heure venu de hora. Les composés bonheur et malheur subissent la même erreur. Le mot est en provençal auguri, augur, agur, en espagnol aguero, en portugais agouro, en italien augurio. Le terme a été disyllabique jusqu'au XVIe s.

Dans le cas du mot haut (XIe  s.) d'abord écrit alt, halt, le h vient sans doute de la contamination entre le mot latin altus et un mot germanique comme dans l'anglais high, l'allemand hoch. Ce terme subit d'ailleurs la disjonction et c'est le plus ancien a être écrit ainsi.  La transformation est prélittéraire. Le mot est en provençal. alt, aut, en catalan alt, en espagnol, portugais et italien alto.


2. Le h diacritique

Hièble s'écrit aussi yèble avec un i long diacritique. Le mot est d'abord ybles au XIIe s. Il provient du latin. ebulum. Une fausse lecture aurait été jèble. Notons que l'yeuse (XVIe s.) n'a subi le même sort, sans doute parce qu'elle est venue trop tard du provençal euse (latin ilex). Le terme est féminin par emploi d'un singulier ebula à la place d'un neutre pluriel.

Huile est écrit en 1250 uile, en 1120 oile, on trouve aussi la variante olie. Le mot donne l'anglais oil qui revient dans gazoil ou gazole. Il vient du latin oleum (oléagineux, pétrole, oléoduc). Le h évite la lecture vil, vile, ville (écrit vile en ancien français). Le terme est féminin par suite d'une modification de oleum en *olea.

Huis apparaît au XIIe s. Il vient du bas latin ustium pour ostium « entrée, ouverture ». Le h évite la lecture vis. Il n'y a pas de disjonction sauf dans l'expression le huis-clos. Le dérivé de moyen français, pertuis, ouverture voire sexe féminin, est encore écrit perthuis à Châlons. Le terme est masculin avec chute de la post-tonique.

Huit est attesté sous la forme uit, oit au XIe s. Le h empêche la prononciation v
it ou vite. Le mot est issu du latin octo. On peut remarquer que huit est précédé d'une disjonction et que cette disjonction s'est étendue aux monosyllabes commençant par voyelle : un, onze

Huître est écrit ainsi depuis 1538. Le mot était uistre, oistre vers 1270. Le h distingue ce mot de vistre ou plutôt de la vitre. Il provient du latin ostrea avec un féminin singulier pour un neutre pluriel, le mot étant d'abord ostreum

Hurler vient du latin ululare, le radical ul- est d'origine onomatopéique. Le terme s'est d'abord écrit uller du XIIIe au XVIe s., mais aussi heurler dès le XIVe s. On observe la même hésitation pour la formation savante ululer et hululer. Le h est à la fois diacritique devant u, mais aussi expressif. Le verbe est en provençal ulular, ullular, udolar, en catalan udolar, en espagnol et portugais ulular, en italien ululare, ulolare, urlar. Le r épenthétique provient d'une corruption de l après syncope de la prétonique. Notons que les noms hurlement, hurleur subissent la disjonction.  Uhlan s'est aussi écrit hulan au XIXe s. par analogie avec hurlant. Le terme subit une disjonction anormale.