Les
temps surcomposés
Du Petit Robert :
surcomposé, ée adj.
1749; de sur- et composé
Gramm. Se dit d'un temps composé
où l'auxiliaire est lui-même à un temps composé.
Passé surcomposé. Les temps surcomposés sont généralement
employés en subordonnée lorsque le verbe de la principale est
à un temps composé (ex. Je suis parti quand j'ai eu terminé.
Il serait arrivé quand j'aurais été partie).
Les temps surcomposés étaient parfaitement acceptés
dans la langue littéraire classique au XVII
e s.
Mais aujourd'hui on les classe, de manière un peu expéditive,
parmi des tournures propres à une langue parlée, un peu relâchée.
En fait, elles sont plus présentes dans l'Est et le Sud, dans les
milieux populaires et ruraux. Elles peuvent être utilisées pour
marquer un aspect délimité, achevé ou le commencement
d'une action épuisée, on peut parfaitement ne pas employer
de subordonnée même si c'est la forme la plus habituelle.
On ne nomme plus aujourd'hui comme formes surcomposées que celles
qui sont principalement à la voix active
1. Les différents temps
surcomposés
Les temps surcomposés sont formés à l'aide d'un double
auxiliaire.
– Sont ainsi surcomposés le futur antérieur actif (j'aurai
chanté), le conditionnel passé (j'aurais chanté). Ces
temps étaient formés à l'origine par l'infinitif (
habere) de l'auxiliaire suivi de l'auxiliaire
au présent ou à l'imparfait (
cantare habere habeo ou
habebat, j'aurai à chanter ou
j'aurais à chanter). La forme synthétique actuelle des temps
simples cache la forme analytique à l'origine.
– Sont aussi surcomposés les différents temps composés
à la voix passive : j'ai été aimé, j'avais été
aimé, etc. L'auxiliaire être est exigé à la voix
passive, mais il entre aussi en composition pour les verbes intransitifs
et les verbes pronominaux aux temps composés : il est venu, il s'est
trompé. On en déduit à tort que les temps surcomposés
seraient impossibles au passif parce qu'il nécessiteraient aussi l'auxiliaire
être.
– Les temps que l'on nomme le plus souvent surcomposés se forment
à l'actif et au passif :
* passé surcomposé actif : il a eu aimé ; passif :
il a eu été aimé ;
* plus-que-parfait composé actif : il avait eu aimé ; passif
: il avait eu été aimé...
Tous les temps peuvent ainsi se mettre à une forme surcomposée.
Toutefois, seul le passé surcomposé est vraiment fréquent
sur l'ensemble du territoire français alors que les formes surcomposées
des autres temps sont plus présentes dans le sud de la France à
cause de l'influence de l'occitan. Le passif est possible avec un surcomposé
comme le note Grevisse dans le Bon Usage (13e éd., § 788 b) :
« cela n'est pas attesté fréquemment dans l'écrit
» et il ne cite qu'un exemple : «
Quand il [= le
Dictionnaire Général]
a eu été
terminé,
M. Paris en a donné un compte rendu.
» (E. Ritter,
Quatre Dictionnaires
français, p.41)
2. Les emplois
On ne peut construire un verbe intransitif ou un verbe pronominal à
une forme surcomposée :
il a eu
été venu ou
il s'est eu trompé sont des
solécismes. Ces verbes ont le verbe
être comme auxiliaire et les formes
surcomposées concernent l'auxiliaire
avoir.
Fort souvent le surcomposé se limite au passé surcomposé,
sorte de passé composé antérieur – le bisantérieur
de Damourette et Pichon – remplaçant dans les faits le passé
antérieur. Les formes avec d'autres temps vont rarement au-delà
des constructions de grammairiens. La forme a pu apparaître au
XIII
e s. et elle serait liée à
l'effacement progressif du passé simple à l'oral. Dans
le Temps, Harald Weinrich, à
la suite de Benveniste, ne cite que le passé surcomposé, qu'il
appelle « parfait surcomposé ». Il ne parle pas des
autres temps surcomposés parce qu'il considère que le passé
composé en remplaçant le passé simple n'est de fait
plus le « présent composé » qu'il était
mais un nouveau temps perçu comme simple. Le passé composé
est devenu un vrai temps du passé et est vu comme le pendant de l'imparfait
; il demande alors un
temps spécifique pour l'antériorité comme le plus-que-parfait
pour l'imparfait : le passé surcomposé.
L'emploi dans une subordonnée temporelle est le plus connu : «
Sitôt que j'ai eu acquis quelques notions générales touchant
la physique [...], j'ai remarqué jusqu'où elles pouvaient conduire.
» (Descartes,
Discours de
la méthode.) L'aspect
est bien l'antériorité du fait.
Toutefois, les verbes qui peuvent se construire avec un surcomposé
ne nécessitent pas d'être mis en rapport avec des verbes aux
aspects plus actuels : ce sont des verbes qui possèdent par leur sens
même un aspect accompli et qui renvoient donc à un temps lointain.
C'est le cas des verbes inchoatifs (commencer), conclusifs (finir,
achever) et de tous ceux qui indiquent un passage ponctuel avec un changement
d'état : « Ah ! l'idiote avait eu vite fait de se couler »
(Mauriac). Le fait est accompli au moment où il est énoncé
et il est donné comme révolu. Le plus-que-parfait surcomposé
couvre alors les mêmes nuances qu'un passé simple mais avec
un flou qui appartient à l'imparfait et au passé composé.
Le surcomposé ne se forme guère avec des verbes perfectifs
se conjuguant avec
être aux
temps composés : cela ressemblerait à une sorte de passif et
le second participe deviendrait un adjectif accompagnant un
temps composé simple :
dès
qu'il a été entré. Or l'ensemble
il a eu doit être lu comme un tout
distinct du participe qui constitue le verbe principal.
Au futur antérieur surcomposé la forme
il aura eu dit se dit (et est même
plus vivante que celle du plus-que-parfait
il avait eu dit) mais toute forme avec
aller, comme
il a été allé dire
ou
il aura été allé
dire est une accumulation compliquée. En outre, la forme de
surcomposé, un type de passé, est téléscopée
avec la périphrase aller + infinitif qui est une forme de futur.
Notons enfin que Fernand Raynaud a utilisé le surcomposé dans
son sketch « Ç'a eu payé » (et non faussement «
ça eut payé » comme on le lit sur les pochettes).
Jadis, aux alentours de Paris, une grande bataille
opposa les partisans
des temps composés à ceux des temps surcomposés.
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