La
lettre thorn, Þ, þ
Elle provient de l'alphabet runique. Ce dernier l'a sans doute emprunté
à l'alphabet grec, avec coupure de phi Φ.
La lettre apparaît encore en islandais où elle note une consonne proche
du
th anglais. Le eth (nom anglais)
ou ede (nom islandais) Ð, ð islandais est plus proche du /z/ français. On
a employé en ancien anglais le thorn et le eth de manière indifférenciée
pour noter la fricative actuelle de cette langue.
Le mot anglo-frison veut dire épi, la lettre runique dessine une tige surmontée
d'une tête à droite. Cependant le nom norvégien est
thurs « géant », du proto-germanique
*thurisaz de même sens. Ce pourrait
donc être un nom adapté à partir de la consonne et accessoirement de la forme
évoquée.
Dans les pays scandinaves à une certaine époque, on rajoutait à la fin de
l'alphabet latin traditionnel les lettres locales, d'où y, z, å, ö dans la
pratique suédoise moderne ; y, z, æ, ø, å en danois et en norvégien. Les
Romains ont procédé de la même manière pour x, y, z – lettres qu'ils ont
ajoutées tardivement à leur alphabet. En islandais, le classement est mixte
: a, á, b, c, d, ð, e, é [...], i, í [...] o, ó [...] u, ú [...], y, ý,
z, þ, æ, ö. L'ordre islandais présente les lettres diacritées après les lettres
simples, mais le thorn est rejeté à la fin. Le eth est ressenti en revanche
comme un d diacrité, ce qu'il était sans doute.
Le moyen anglais a éliminé le thorn et l'eth à partir de 1400 par influence
anglo-normande. Il a de la même manière éliminé des lettres originales comme
le yogh, une variante irlandaise de g ouvert à droite qui est devenue y.
Toutefois, le thorn a parfois été lu comme un y, par exemple dans le faux
archaïsme
Ye Olde Shoppe (The Old Shop). La réfection de
l'orthographe a conduit à écrire th dans la plupart des mots présentant
un thorn et un eth.
Voici un exemple tiré de l'
Ormulum
du XII
e s. avec un système de consonnes géminées notant la longueur
des voyelles :
Annd wha-se willen shall þiss boc
Efft oþerr siþe writenn,
Himm bidde icc þatt hë't wríte rihht.
(Et quiconque voudra ce livre
à nouveau recopier,
je le prie de l'écrire correctement.)
Voici deux mots islandais présentant le nom de la lettre :
— lumbago :
þursabít (
þursi, géant,
bít, morsure, donc « morsure de géant
») ;
— cor au pied :
líkþorn (
lík, corps,
þorn, épine (cf. all.
Dorn, angl.
thorn) ;
lík, qui signifie actuellement cadavre,
signifiait jadis corps, et plus anciennement encore, forme, cf. all.
Leich, cadavre, et
gleich, même (forme).
Dans cette singulière petite bourgade des Highlands,
on mettait un point d'honneur à utiliser la variante du thorn
pour toutes les enseignes. C'était bon pour le tourisme.
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