Le verlan


2. La verlanisation


La verlanisation consiste à inverser des syllabes, parfois des phonèmes ou des lettres purement graphiques, parfois des ensembles plus vastes comme des groupes verbaux ou des expressions. La verlanisation est une forme de métathèse, ou déplacement des sons. Voir la page consacrée à la métathèse. Plus généralement, la verlanisation utilise les métaplasmes comme l'apocope, l'aphérèse, la paragoge.

Les mots doivent être transformés selon des procédés fixes.
 

a) Les monosyllabes fermés
 

Nous ne considérons pas les syllabes terminées par un e caduc comme des syllabes ouvertes. En français standard, ce e n'est pas prononcé en finale. Il ne s'agit donc pas de véritables syllabes et nous ne les comptons pas comme telles.

La syllabe est fermée (CVC) ; le mot devient un disyllabe (CVCV) avant la verlanisation. Ainsi la verlanisation sera une inversion deux syllabes ouvertes.

Black (noir) : blackeu : keubla.

Bus : busseu : seubu.

Femme : meufa : meuf.

Fête : fêteu : teuf.

Flic : keufli : keuf.

Frère : reufrè, reufre : reuf.

Gauche : cheugau : cheug.

Juif : feujui : feuj.

Lourd : loureu : reulou.

Mec : mekeu : keum.

Mère : reumeu : reum.

Père : reupè : reup.

Poudre : dreupou.

Punk : punkeu : keupon

Sac : sakeu : keussa : keus.

Soeur : reusseu : reuss.

Shit : shiteu : teush (et tosh par brouillage).

Tronche : troncheu : cheutron : chetron.

Le e caduc ou dit muet permet de construire une suite avec syllabe finale ouverte (CVCV). Cette voyelle peut être exagérée, comme pour femme. Elle peut être aussi inventée, c'est le cas de punk keupon), sac (keus) ou de flic (keuf).

La deuxième syllabe peut ensuite subir une troncation, ou apocope. Ainsi meufa devient meuf, keufli est changé en keuf.

Une idée fausse consiste à croire que le verlan doit à tout prix abréger les mots,. Or la paresse articulatoire n'est pas du tout en cause. Nous constatons en effet qu'il crée des mots de deux syllabes à partir d'une : seubu, keupon.
 
 

b) Les monosyllabes ouverts
 

La syllabe est ouverte (CV) : on inverse l'ordre des phonèmes.

Chaud : auch.

Chier : iéche.

Feu : euf.

Fond : donf.

Fou : ouf.

Nez : zen.

Toi : ouate.

 L'orthographe et l'écrit peuvent jouer un rôle créatif : nez > zen, à fond > à donf. On n'entend jamais un « d » dans fond. En cas de liaison, la consonne devient un « t ».

 La transformation peut donc être graphique, cas de luc, ou phonétique, ik.
 
 

c) Les disyllabes
 

L'ordre des syllabes ouvertes est seulement inversé.

Bizarre : zarbi.

Blouson : zomblou.

Bonhomme : nombo.

Cablé : bléka.

Café : féca.

Choper : pécho.

Faucher : fécho.

Lourd : reulou.

Maigre : greumè.

Méchant : chanmé.

Métro : tromé.

Musique : zicmu ou sicmu : zik.

Pascal (billet de banque à l'effigie de Pascal) : scalpa, puis scalp.

Pétard : tarpé.

Pourri : ripou.

Tabac : bata.

Taxi : Xita ou xit.

Tomber : béton dans Laisse béton.
 
 

Mais des trisyllabes peuvent devenir des disyllabes du fait de la présence d'un e caduc à l'intérieur du mot. Ce e dit muet n'est pas prononcé dans le langage familier ou à l'oral. La syncope a donc lieu avant la verlanisation.

Maquereau : makro : kroma : krom par apocope.
 
 

Les expressions peuvent devenir aussi des mots :

– Vas-y : ziva.

– Comme ça : sakom. Cette expression connaît une variante comac (comaque, comaco) qui ne possède pas une origine dans le verlan, mais dans le provençal comme aco. Elle est attestée en argot depuis 1867 et c'est à tort qu'on y voit du verlan.

– Trop grave : gravetrop.

– Lâche-moi : chelamoi : chelaoim. Cette expression est complexe, il s'agit d'un disyllabe à l'origine, mais elle devient un trisyllabe par l'emploi du e caduc. Il y a ensuite une première verlanisation par la permutation des syllabes, puis une seconde verlanisation de phonèmes.
 
 

c) Les trisyllabes
 
 

La verlanisation affecte peu ces mots. Trois procédés de déplacement sont observés.

– Rejet de l'initiale en finale : S1 S2 S3 > S2 S3 S1.

Cigarette : garetsi.

Défoncé : défonceu : foncedé.

Dépouiller : pouilledé.

Partouze : touzepar. Par apocope, ce mot devient ensuite touze.

Racaille : caillera.

Rigoler : goleri.

Travailler : vailletra.

On peut remarquer que dans les faits ces mots deviennent souvent des disyllabes. C'est aussi le schéma le plus souvent utilisé.
 
 

– Inversion totale des syllabes. S1 S2 S3 > S3 S2 S1.

Calibre : brelica.

Portugais : gaitupor.

Partouze : zetoupar.
 
 

– Déplacement simple de la finale. S1 S2 S3 > S3 S1 S2

Enculé : léancu.
 
 

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Lire la troisième partie : les transformations avant la verlanisation

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