L'ail
Le nom de cette plante provient du latin
allium sur le latin classique
alium. Ce nom semble italique
même s'il existe aussi le terme
aglis
en grec classique pour désigner la gousse d'ail et le terme
aluh en sanskrit pour une plante
à bulbe. En grec moderne, c'est
skordo de
skorodoprason. Il ne possède
pas vraiment de racine indoeuroépenne.
Le mot latin est à l'origine du provençal
alh, aill, du catalan
all, de l'espagnol
ajo, du portugais
alho, de l'italien
aglio, le romanche
agl. Ces différentes forment
s'expliquent par la gémination du
l qui se palatalise alors et qui
dégage un yod. Le phénomène est occidental, le
roumain utilise
usturoi. La
racine du nom de l'ail change selon les langues
Le mot français apparaît d'abord sous la forme
al, au pluriel
alz (1165). La mouillure
n'était donc pas générale, la
géminée s'était simplifiée par
assimilation. Toutefois, le terme devien
ail au XIII
e s. Il
convient de noter que l'on n'avait pas affaire à un yod suivi de
consonne, mais à la consonne
l
mouillé comme en italien, espagnol, portugais, catalan...Cette
mouillure est encore recommandée par Féraud à la
fin du
XVIII
e s. et par Littré qui ne confond pas le mot
avec l'interjection. Cependant, la prononciation moderne est
déjà signalée par Landier en 1834.
Le pluriel d'ail est étrange car il est double : on emploie des
ails en botanique et des
aulx pour les condiments. La
vocalisation du
l en
w devant
s est un phénomène
normal du moyen français, elle est identique à celle des
autres mots en
-ail.
Néanmoins, le singulier a été
aul sur la forme du pluriel sans
doute par mauvaise interprétation d'un collectif. Estienne
écrit : «
Aucuns dient
aul, d'autres disent ail. » Nicot, Thierry, Cotgrave font
la même remarque à la Renaissance. Le singulier
ail s'impose avec Richelet,
Furetière et l'Académie française à la fin
du XVII
e s.
Le pluriel
aulx constitue une
autre anomalie. On a un x qui constitue une ligature
médiévale pour la séquence
ls ou
us. Le u a été
rétabli afin de former le digramme
au lu
o. C'est le cas de presque tous les
mots en
-aux. Mais on a
ajouté encore un
l
étymologique afin de rattacher ce mot à son singulier.
C'est ainsi que cette exception contient trois fois la même
notion sous trois lettres différentes ! Quant au pluriel
ails, il est entré dans le
dictionnaire de l'Académie en 1835.
Certains grammairiens recommandaient l'emploi du singulier de
préférence au pluriel trop difficile :
On est souvent embarrassé dans l'emploi de ce mot au
nombre pluriel. Doit-on dire : Craignez-vous les ails, ou
craignez-vous les aulx? Ce substantif et presque tous ceux qui
finissent en ail, en al et en eau, changent au
pluriel cette terminaison en aux, et le mot dont il s'agit ne
souffre pas d'exception; mais il vaut mieux l'employer au singulier. On
a mis de l'ail dans cette salade.
É. MOLARD, Le Mauvais langage
corrigé, 1810.
La gousse rentre dans des expressions figurées qui insistent sur
le manque de valeur :.
jà n'en
auront vaillant un ail (ils n'auront jamais la valeur d'un ail),
ne pas valoir la queue d'un vieil
ail, d'un ail pourri, pelé... Les expressions les plus
anciennes remontent au XIIe s. Elles se retrouvent dans des variantes
évoquant des fruits divers :
la
queue d'une cerise, des nèfles, des prunes. La
métaphore sur l'ail est cependant antérieure, l'ail
étant un aliment répandu et omniprésent.
Cette même connotation péjorative se retrouve dans des
expressions comme des paroles qui sentent l'ail, c'est-à-dire
qui montre une basse extraction, une mauvaise cuisine. Elle est
employée encore par Balzac.
Le proverbe
le mortier sent toujours
les aulx veut dire on se ressent toujours de son
éducation, de ses anciennes habitudes, de son milieu d'origine.
Il date du XV
e s. :
Femme qui en ses jeunes saulx
A aymé le jeu ung petit,
Le mortier sent tousjours les aulx,
Encore y prent-elle
appétit.
Coquillart
On peut le rapprocher de
la caque
sent toujours le hareng.
Le mot entre dans différentes sortes d'ail :
ail aux ours,
ail de chien, ail rose, ail à toupet, ail Moly ou doré,
etc.
Il sert également à former des dérivés :
ailler, aillé, aillet, aillerotte
ou aillée (plantation d'aulx),
aillade (mot provençal),
ailloli ou
aioli à partir de l'huile (
oli) qui est un autre mot d'origine
provençale.
L'ail possède une descendance plus étrange : le
chandail. Il s'agit à
l'origine du tricot porté par les ouvriers des halles
parisiennes. Ce tricot particulier était fabriqué
à Amiens et il portait le nom de
gamesou à partir du
début de Gamard et de
sweater (vêtement
pour la sueur) en phonétique approximative. Ces ouvriers
étaient les marchands d'ail, leur tricot a été
nommé par métonymie sur leur métier. Le
marchand d'ail est devenu par
aphérèse le
chandail en
1894. Et c'est pourquoi le pluriel de
chandail,
mot tardif, ne peut être
chandaulx.
Le chandail sort de son milieu d'origine pour devenir chic avec Coco
Chanel qui contribue à le répandre dans les années
vingt.
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