La mirabelle


Une mirabelle faussement mirobolante


On a longtemps cru que le nom de la mirabelle venait du grec par l'intermédiaire de l'italien. C'est la thèse soutenue encore par Henriette Walter dans l'Aventure des langues en occident : « Une aventure bien plus extraordinaire est arrivée à
balanos, mot du grec ancien qui désignait "le gland du chêne" et qui, en composition avec myron, "parfum" était le nom d'une noix aromatique, le myrobalanos. Après être passé par le latin, sous la forme myrobalanos, puis myrobalanus, il avait abouti à myrobolan en français du Moyen Âge. À cette époque ce  terme servait de nom à des fruits aux vertus curatives. Vu les merveilles qu'accomplissait ce myrobolan, c'est tout naturellement que la sagesse et l'imagination populaires l'ont rapproché de miraculeux, mirifique, pour en faire l'adjectif mirobolant que nous connaissons en français. C'est ce même myrobalanos que vient le nom de la mirabelle. » Malheureusement, cette thèse héritée de Bloch-Wartburg est fausse. Elle est reprise aussi dans le Dauzat-Dubois-Mitterand.

Le mot myrobolan apparaît bien en ancien français (1256) d'abord sous les formes mirabolan, mirobolan. Il désigne bien des fruits desséchés qui entrent dans des compositions médicales. Le choix de ce nom est motivé par l'analogie établie avec le mire ou médecin, qui est une déformation particulière de medicus. L'adjectif mirobolant est fort tardif (1836) et il est précédé d'une forme nettement péjorative mirobolard (1787). Le mot est employé dans un contexte pharmaceutique et cela peut être de manière laudative ou dépréciative, par antiphrase, et en concurrence avec mirifique. Il n'y a rien de tel dans la mirabelle. Ensuite, cela n'explique par le maintien de la forme ancienne de mirobolant avec un sens voisin, concurremment avec une prétendue déformation en mirabelle à la même époque.


La mirabelle de Bellevue


Le nom de ce fruit apparaît en 1628 dans
le Catalogue des arbres cultivés dans le jardin du sieur Le Lectier. Cela désigne une « petite prune ».  Il est plus précisément désigné en 1649 comme la prune de mirabel, dans Janua linguarum de Comenius. La détermination conduit à penser que l'arbre fruitier a d'abord été cultivé dans le Midi où se trouvent des communes de Mirabeau et de Mirabel (Drôme, Ardèche, Tarn-et-Garonne) avant de faire souche en Lorraine. Ce toponyme est formé de l'élément mire- issu du verbe latin mirare (regarder, fixer, voir) et de bel, beau. Le nom se rapporte à des hauteurs qui offrent une belle vue.

Le nom a pu recevoir une surdétermination en Lorraine où la myrtille se nomme brimbelle. Belle devient ici un élément désignant une baie, un fruit.
 Du nom du fruit, on a tiré par métonymie le nom de l'eau-de-vie qu'il permet de produire. La forme régionale n'est reconnue qu'au siècle dernier.

Le nom du fruit est mirabel en espagnol, mirabela ou ameixa (prune) en portugais, mirabella en italien. C'est mirabelle en anglais, Mirabelle en allemand, mirabel en néerlandais. L'ensemble de ces noms montre une diffusion tardive du fruit, à partir d'un nom de lieu, sans doute méridional. Une hypothèse veut que le Mirabel soit espagnol et non provençal.


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