Un conte de Noël : les Calandes grecques

   

    En décembre 2001, je commis un conte de Noël, « la Guirlande » avec le personnage de Santa-Claus qui visitait ce magnifique pays nordique et en rapportait une épouse gourde, la tradition des arbres décorés .

    En 2002, je récidivai avec la suite des aventures du comte au pays de « la Houppelande » qui lui donna son costume, ce fut publié dans fr.sci.linguistique.

    Voici, accortes jeunes filles et fringants jeunes gens, le troisième épisode de la vie trépidante du comte de Santa-Claus, son périple jusqu'aux Calandes grecques. Ce texte résume le tome XXVIII des Exploicts & Aventvres fabvlevses du Cte de S***-C***, paru à Rotterdam en 1725. On y apprendra comment il fit la connaissance du Père Fouettard.

    Notre comte de Santa-Claus s'ennuyait toujours autant en sa bonne ville alsacienne d'Obermittelunterbachwillerkirchdorfheimstatt en compagnie de son épouse gourde et de sa plus que très nombreuse progéniture et post-progéniture. La lassitude le gagnait, il se fatiguait à distribuer chaque année des cadeaux à la même date et à surveiller la décoration des arbres de Noël. Il était resté aventurier dans l'âme et il rêvait toujours d'en découdre. Les rituels, ce n'était pas pour lui. Un jour, il lut la vie hapologétique de saint Glinglin, évêque de Prokrastinatinakos, dont on n'avait pas retrouvé les reliques. Cela l'intrigua et il enquêta dans sa bibliothèque fort garnie. Il apprit ainsi que Prokrastinakos se trouvait dans les îles Calandes grecques -- que l'on distingue des Calandes slaves et des Calandes italiennes. Les Calandes est un ancien empire fondé par les vikings Varègues en Méditerranée, mais on n'a jamais su trop où le situer. Il décida de ne plus repousser d'un jour son nouveau départ et il prit le premier coche pour Marseille où il affretta immédiatement un navire.

    Notre comte fut fait prisonnier par des pirates barbaresques, il devint esclave en Alger au service du terrible Barbe-Blanche. Mais celui-ci fut ému lorsqu'il vit le comte distribuer à des enfants de menus cadeaux qu'il avait confectionnés de ses mains. Il décida de lui rendre la liberté et d'exhausser un souhait car tant de noblesse ne méritait pas un tel outrage. Le comte lui demanda de le conduire d'abord aux Calandes et surtout à Prokrastinakos. Barbe-Blanche hésita, tergiversa, trouva maintes excuses. Cela dura des mois et des années. À la fin, le comte n'y tint plus et demanda des explications. Barbe-Blanche lui dit enfin la vérité : les Calandes étaient des îles volcaniques qui apparaissaient et disparaissaient aussi soudainement, on ne savait quand une des Calandes surgirait de la mer ni combien de temps on pourrait en fouler le pied. En fait, Barbe-Blanche était fort malheureux car il ne pouvait tenir sa promesse. Le comte l'assura qu'il ne lui en voulait pas et que la vérité était plus belle que les fantaisies de l'esprit.

    Pendant toutes ces années, les deux hommes avaient appris à s'estimer. Le comte avait narré ses voyages en Guirlande et en Houppelande, son mariage, son retour à Obermittelunterbachwillerkirchdorfheimstatt et comment il avait institué la coutume des arbres décorés. Barbe-Blanche, le bey pirate, avait raconté les abordages, les pillages, les massacres, les sièges de villes. En fait, l'un et l'autre étaient las de leur vie passée et aspiraient à autre chose. Le comte rêvait de pouvoir gourmander, sermonner, vilipender, frapper, fouetter, battre, torturer les enfants qu'il avait pris en horreur, tellement il en avait à récompenser. Barbe-Blanche lui était fatigué du sang, des bras coupés, des yeux percés, des tripes à l'air, des coups de bâton, des nuques tranchées, des corps suspendus à des cordes, des hommes jetés aux requins ou empalés, et des pieds chatouillés.

    On ne sait qui fit la proposition, mais toujours est-il que Barbe-Blanche le sanguinaire pirate décida un beau jour d'abandonner l'islam, Alger, la piraterie et d'endosser la personnalité du Santa-Claus, tandis que celui-ci se métamorphosait en une sorte de pirate noir, méchant et vengeur. Le comte fit passer Barbe-Blanche pour lui-même alors qu'il endossait un nouvel habit, celui du Père Fouettard. Il paraît qu'on n'y vit que du feu à Obermittelunterbachwillerkirchdorfheimstatt.

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