Absoudre, dissoudre,
résoudre
Absoudre
Le verbe absoudre apparaît au Xe s. à partir du latin
absolvere « libérer d'une charge » d'où
« libérer d'une accusation, d'un péché ».
De lor pechietz que avrent feiz Il los absols et
pardonet. (Vie de saint Alexis).
Du XIe au XVe s., on trouve deux radicaux différents,
l'un conservant le préfixe latin ab-sol-, l'autre assimilant
l'occlusive à la spirante : assol-. Quelques exemples :
De sa main destre [il] l'ad assols et signet.
Assoldrai vous por vos ames guarir (Chanson de Roland).
Ce verbe présente aujourd'hui quatre radicaux différents :
— absou- aux trois premières personnes du présent, le
participe passé (absous, absoute) où le d du radical disparaît
;
— absoud- pour l'infinitif et les temps formés sur lui, le
futur et le conditionnel ;
— absolv- aux autres temps ;
— absol- au passé simple et à l'imparfait du subjonctif,
j'absolus, j'absolusse.
Littré a demandé qu'on n'exclut pas ces dernières formes
de l'usage car elles font pendant à je résolus, je résolusse.
A. Le problème du passé simple
En ancien français, on trouve plusieurs types de passé simple
:
— sigmatique : De absolsa main destre [il] l'ad
assols et signet (Chanson de Roland).
Et il dit que si feroit il volentiers, mais que le patriarche l'absousist
jusques à leurs revenir (Joinville).
Il s'agit d'un passé fort, accentué sur l'initiale, qui sera
remplacé par le passé faible.
— Huguet signale un passé simple en v, ce qui permet à Apollinaire
d'écrire :
À Bacharach il y avait une sorcière
blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté.
Apollinaire a écrit de la même manière absolvirent
dans l'Hérésiarque et Cie. Mais Nerval commit lui un
absolva. Cependant, les formes en -v du présent et de l'imparfait
se sont imposés tardivement : que j'absoude, nous assoudons étaient
encore fréquents au XVIIe s., et au XIXe s.
elles étaient dénoncées comme des erreurs. Cela semble
une réfection sur le latin et non une évolution phonétique.
Un exemple de Calvin : Leurs pensées les condamnent ou
absoudent devant Dieu.
— Un passé simple en -sol a existé en moyen français
:
Le Pape... acquitta et absolut les Arragonois du
serment de fidelité (Pasquier)
Ce passé simple est employé par Mallarmé : de la parole qui absolut minuit. Mais il ne figure
pas dans les grammaires scolaires. Grevisse donne des exemples de Thérive,
Ziegler. Il est présent chez Montaigne : Le peuple absolut
à toute peine Pelopidas.
— Un passé simple en assor- : Dons
lo porons nos tenir por manifest aversaire de la loy quant il celei assorit
qui solonc la loy doit estre damneie. Sermons de St Bernard. Cette
forme vient de l'absence de consonne épenthétique pour faire
la liaison entre l et r en contact : a(b)sol(ve)re. Le r apical assimile
la liquide précédente. Cette variante en assore (infinitif)
a existé jusqu'au XIXe s. où l'on a jugé
qu'elle était incorrecte.
B. Le problème du participe passé
La perte du passé simple a entraîné un alignement du
participe passé sur les personnes les plus fréquentes du présent.
La forme actuelle est absous au masculin singulier et pluriel, absoute
au féminin.
Cependant, on relève d'autres formes :
— Le vendredi S. Gervais et S. Prothais que elle
fu absousse de l'office de abbesse
— Dame, j'ai à
nom Berte, si soit m'ame assolue,
Il s'est produit au XVIe s. une différenciation entre absous
comme participe passé et absolu comme adjectif à partir du
sens de parfait, complet, entier. Mais en ancien français, les deux
formes sont concurrentes pour le verbe.
Dissoudre
Les conjugaisons de ce verbe sont identiques à celles du précédent,
au participe passé près. Bien entendu, Littré plaide
en faveur du passé simple je dissolus qui n'est pas
présent dans les grammaires et il blâme l'auteur de cet exemple
: La majeure partie
du fromage se dissolvit.
La difficulté de ces verbes à plusieurs bases repose aussi
sur le fait que leur participe passé donné comme régulier
n'est pas aussi régulier que cela. On connaît l'astuce de mettre
le mot au féminin pour obtenir la consonne finale : acquis, acquise
; confit, confite. Mais les trois verbes en -soudre ont un masculin en
-s et un féminin en -t. Toutefois, les rectifications orthographiques
de 1990 proposent un alignement en dissout, dissoute, et de même pour
les autres verbes en -soudre. Cette idée a été
approuvée par le banc d'essai du Petit Robert.
Le participe passé dissolu(e) a pris lui un tour moral. Cependant
ce n'était pas le sens au XVIe s. où dissolu
pouvait exprimer la disparition, la séparation physique des
éléments sans aucune allusion à une conduite :
Des vapeurs estoyent formées grosses nues,
lesquelles dissolues en pluyes, toute la region estoyt à plaisir arrousée (Rabelais).
Ce participe est ancien :
Mès quanque,
par bonne raison,
Volt Diex conjoindre et atremper,
Fors et bons et sages sans per,
Jà ne voldra ne n'a volu
Que ce soit james dissolu. (Roman de la Rose)
Résoudre