Ardre, ardoir, arder, arser




Le verbe ardre vient du latin ardere, « brûler ».Ce verbe a pratiquement disparu depuis le XVIIe s. Il est d'abord apparu sous la forme de l'infinitif ardoir (v. 880). Il apparaît dans la Cantilène de sainte Eulalie : «  Enz en'l fou la getterent [ils], com arde tost. » Et dans la Chanson de Roland : «  Les citez arses et les homes vaincuz », « Esterminals [de pierre précieuse], escarboucles qui ardent », « Il le fait pendre ou ardeir ou ocire ».

Il possédait le sens de « brûler, incendier » et en construction intransitive de « se consumer ». Il est entré en concurrence avec « brûler » à partir du XVe s. Rabelais l'utilisait encore dans Pantagruel : «  Le feu du ciel eust ars toute l'abbaye », « Trop meilleur est soy marier que ardre on feu de
concupiscence ». Ainsi que La Fontaine : « Haro ! la gorge m'ard ».
 
« Ardre » est une forme irrégulière phonétiquement car le verbe latin était ardere (avec un e long) ; la forme attendue est « ardoir ». L'emploi actuel à l'infintif est un usage littéraire et à volonté d'archaïsme.

    En ancien français ses conjugaisons étaient :
– au présent de l'indicatif : j'ars ou j'ards, tu arsis, tu ards, il art ou il ard, ils arstrent ;
– à l'imparfait : j'ardais, etc. Cet indicatif imparfait a encore été utilisé de manière littéraire aux XIXe et XXe s.
– au passé simple : j'ardis, etc.
– au subjonctif présent : j'arde, etc.

Le participe passé était : ars ou ards, issu du latin arsus, à ne pas confondre avec ardu qui vient de arduus, « escarpé » ou « malaisé » en latin. Ce participe passé a donné naissance par analogie à une forme arser du XIIIe au XVIe s. Le dérivé arsis a survécu jusqu'au XIXe s. au sens de « lieu brûlé, surface incendiée » et avec un sens figuré dans le goût d'arsi, sentir l'arsi ou le brûlé. Le dérivé arsin, pour l'action de brûler, l'incendie, a été conservé en foresterie dans bois d'arsin (XVIIe s.)

Les formes de l'indicatif imparfait et du subjonctif présent ont fait croire à un verbe dont l'infinitif serait arder, aux conjugaisons plus régulières. Il est présent dans le Dictionnaire de l'Académie de 1762.

Le participe présent du verbe, ardant, subsiste dans l'adjectif ardent car il a été confondu avec le mot dérivé du participe latin ardens. Le Bal des Ardents est une substantivisation du verbe dans son sens premier  pour désigner une scène qui eut lieu sous le règne de Charles VI : des danseurs revêtus de fourrures brûlèrent vifs. D'autres expressions consacrées utilisent l'adjectif dérivé dans son sens premier : le buisson ardent (XIIIe s.), le mal ardent ou infection douloureuse (le feu Saint-Antoine est une sorte d'érysipèle gangréneux , la chapelle ardente ou illumination autour d'un cercueil (XVIe s.), la chambre ardente ou tribunal chargé de juger certains à la Renaissance et qui faisait brûler les coupables, le miroir ou le verre ardent, miroir construit pour enflammer les objets placés dans son foyer. C'est encore un terme d'héraldique qui s'applique aux charbons allumés ; par exemple, des charbons de sable ardents de gueule.



En 1393, le roi Charles VI célèbre le mariage d'une des dames d'honneur de la reine Isabeau de Bavière à l'hôtel Saint-Pol de Paris. Les jeunes gens sont déguisés en sauvages avec des plumes et des peaux enduites de poix . Le duc d'Orléans, frère du roi, entre avec cinq porteurs de torches. Une flamme s'approche d'un danseur , le déguisement s'embrase, comme celui du roi et de quatre autres seigneurs. Seul le roi est sauvé. Froissart rapporte l'événement dans ses Chroniques.

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