Le verbe avoir : les parfaits
Latin
Ancien français
Français
Ancien occitan
Italien
Espagnol
Portugais
habui
oi eus
aic ebbi
hube houve habuisti
eüs (oüs) eus aguist avesti hubistehouveste habuit
out (ot) eut ac ebbe hubo
houve
habuimus
eümes (oümes) eûmes aguém avemo hubimos
houvemos habuistis eüstes (oüstes) eûtes aguétz aveste hubisteis houveis
habuerunt ourent (orent) eurent agron ebbero hubieron houveram
Le parfait latin remonte à une forme par coalescence. Le radical était habe- comme dans habere et le morphème du parfait -w- : *habe-w-ai. Il s'agit d'une extension analogique de la contraction qui s'était déjà produite dans la deuxième conjugaison du type moneo, monui. Cela s'est produit alors pour des verbes d'état comme areo, arui, iaceo, iacui, pateo, patui, taceo, tacui. La présence du morphème de temps en contact direct avec l'occlusive va produire des modifications du radical dans chacune des langues.
Il faut distinguer deux cas pour l'évolution vers le français.
— Des personnes fortes, accentuées sur le radical : 1, 3, 6. Hábui.
— Des personnes faibles, accentuées sur la désinence : 2, 4, 5. Habúisti.
Cependant, il a existé une accentuation forte qui a pu produire des paradigmes entièrement en o-, mais les attestations de telles formes en ancien français sont rares. Le déplacement de l'accent aux personnes faibles a donc produit une alternance vocalique oi-eu et ce sont les personnes faibles qui serviront de modèle à l'ensemble de la conjugaison plus tard alors que ces formes ne sont pas attendues.
En occitan, toutes les formes étaient fortes. On a donc une évolution parallèle à celle du français. Dans le Nord, la forme *abwi se réduisit en *awwi puis *auwi par assimilation de l'occlusive. La coalescence du a initial aboutit à *owi avant la fin du Ve s. En, revanche, dans le Sud, l'approximante w se consonnifie en g en position interne, s'assourdit en k en finale absolue.
Le traitement est différent en italien : il y a assimlitation progressive de w par b en 1, 3, 6 et changement d'articulation de bw > ww > v pour 2, 4, 5. Les formes ibériques supposent toutes des personnes fortes.
Oi
La première personne présente en ancien français une assimilation complète de l'approximante w à l'intervocalique. La prononciation se modifia très tôt en ü, dès le XIIe s. en anglo-normand. C'est dû à l'influence du modèle du verbe devoir qui était lui aussi à alternance vocalique au parfait : dui, deüs. Ce type possédait seulement une voyelle commune et il était donc plus régulier. Ensuite, le modèle fut le type du verbe être : fu(i), fus. Ce dernier ne présente plus d'alternance vocalique. L'analogie s'est donc produite en deux temps, mais elle a eu comme conséquence la disparition des personnes fortes. La graphie de la première personne est elle empruntée totalement à la deuxième : -s n'était pas la désinence en latin, -u- correspond à la prononciation et est en fait le vestige de la marque du passé, e qui est muet demeure comme la seule trace du radical. En occitan, cette réfection ne s'est pas produite : i a été perçu comme la marque de la désinence et a été préservé par la métathèse. Une réfection sur le modèle du participe passé agut est intervenue assez tôt : agui, puis agueri. En bordelais, c'est auguri, mais en béarnais c'est le radical du présent qui domine : abouy.
En espagnol, le b du radical n'est pas issu directement du latin, il est passé d'abord par la forme ove en ancien espagnol. Ce v provient de la consonnification de w en roman, puis de son évolution en b sous l'influence des parlers basques dans la péninsule. La graphie avec la lettre b est donc étymologique. Le portugais a en revanche continué à employer la consonne v. L'évolution de la voyelle o vers u en espagnol et vers ou en portugais s'est faite sur le modèle des parfaits comme pude (issu de potui).
Eüs
Le type faible semble remonter à un processus où la voyelle dominante restait i, mais il ne se trouve de traces que dans le Nord-Est. On a ainsi un subjonctif imparfait chez Froissart : euisse. On reconstitue cette évolution en partant de formes similaires comme devoir qui a plus longtemps été continué en dewis, dewimes, dewistes. Le i fermé a donc provoqué la conservation du u voyelle fermée également, avant de s'effacer. Cela se vérifie en occitan qui a préservé presque toute la désinence latine.
Le e du radical peut s'expliquer par une réfection analogique sur le participe eü, issu d'*abutu à la place d'habitus. Ce phénomène s'est produit pour d'autres verbes similaires : peüs, peü. En revanche, il n'y a pas de modification de la voyelle en occitan. La voyelle reste identique en italien aussi aux personnes faibles par alignement sur le présent et le participe passé : avuto.
Ot, orent
Il y a eu conservation de la consonne désinentielle dans ces personnes, mais après la chute de la voyelle posttonique i et e. L'évolution de w a donné deux modèles : un où il s'est conservé (out), un où il s'est amuï (ot). Il faut remarquer que le français est la seule langue à avoir conservé le -t de la désinence, même si ce -t n'est plus que graphique depuis le XVIe s.
En italien, la forme ebbe (3) tout comme ebbi (1) remonterait à une forme de latin vulgaire *hebui sur l'influence de debui (devoir) ou par contamination de l'osque hipid (habuerit). Cependant, il existe des personnes ayant une forme populaire avec le même radical : ebbimo (4).
Eümes, eustes
Ces désinences de personnes suivent la même évolution phonétique que les autres verbes au passé simple. On peut noter que l'accent circonflexe de 4 est purement analogique de 5, lequel est la trace d'un -s amuï en moyen français.
Le subjonctif imparfait
En français, il se forme à partir du paradigme régulier du passé simple en -u : que j'eussse. Il en allait de même en ancien français : Et pleüst Dieu que il l'eüst espousee (Perceval, v. 9057).
En italien, c'est le radical des personnes faibles qui est employé : avessi. L'espagnol possède deux imparfaits du subjonctif : hubiera et hubiesse. Le second prolonge la forme latine en -issem qui se retrouve aussi dans l'infixe occitan en -ess-. La première forme se retrouve aussi dans le futur du subjonctif : hubiere. Seules les désinences changent. Le portugais utilise le radical du passé simple : houvesse. Mais ce radical s'est étendu aussi au plus-que-parfait : houvera.
Le participe passé
Il est formé sur le même radical en français : eu(es). C'est le cas en occitan : agut, aguda. En italien, c'est le radical des personnes faibles : avuto, avuta. Ce radical est identique au gérondif (avendo) et à l'infinitif (avere). Il s'aligne sur le présent, l'infinitif et le gérondif en espagnol (habiendo) : habido. C'est aussi le cas en portugais : havido.
Exercice pratique de révision :
teste à présent tes connaissances en devinant le calembour présent dans le nom
de ce personnage, puis écris soigneusement et lisiblement la phrase obtenue.
Attention : l'orthographe compte !
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