Demain
Le latin classique utilisait le terme
cras pour demain, le jour suivant. Cet adverbe ne subsiste en français que dans le mot
procrastination (1520) du latin classique
procrastinatio au sens d'ajourner, de reporter une action. Le substantif latin dérive de l'adjectif
crastinus avec un suffixe abstrait similaire à celui de
matutinus (matinal),
vespertinus (du soir),
diutinus (du jour). Seul l'ancien espagnol avait conservé
cras.
Le mot demain est issu de l'expression de
mane en bas latin au sens de « au matin ». Elle est passée dans les parlers romans : italien
domani, espagnol
mañana (mais sans le renforcement et aussi avec le sens de matin), portugais
amanhã (avec une autre préposition
ad, matin
manhã), galicien
mañà, romanche
damaun (même sens pour le matin), roumain
mîine (sans le renforcement), occitan
deman, catalan
demà. Le breton
mintin pour matin en dérive.
L'emploi du terme le matin pour désigner le jour suivant est fréquente. On la retrouve dans l'allemand
Morgen, le danois et le norvégien
i morgen, le suédois
morgon, le néerlandais
morgen. L'anglais
tomorrow est aussi à rattacher au thème
*mer- qui donne
morning. Ce thème est lié à l'idée de lumière, de chose qui brille.
En revanche, le mot
mane en latin est issu de l'adjectif neutre
manis, « bon ». Il se rattache à un thème
*ma- que l'on retrouve dans les mots latins
maturus « de bonne heure, mûr », Matuta ou la déesse de l'Aurore,
matutinus
« du matin ». Ainsi le matin est la bonne heure et
l'expression de bon matin est un pléonasme secret. Le radical se
retrouve aussi dans les dieux Manes qui veillent sur la maison, il
donne aussi en français les
mânes pour désigner le souvenir d'une personne morte.
Le mot
mane était concurrencé en latin par
matutinus pour
matutinum tempus, le temps de la journée avant midi. Le mot
matuta depuis le Haut-Empire désignait la
matinée, et en ancien français le mot
matin apparaît en 980. Il était employé comme
main pour le début de la journée même si
main voulait aussi dire la journée suivante. Le mot
demain est utilisé depuis 1080 comme nom tout comme adverbe.
Son dérivé
lendemain est formé à partir du composé
endemain (1140), le jour suivant, qui devient par agglutination de l'article
landemain (1292). La formation du terme est similaire à celle d'
aujourd'hui.
Son ancienneté explique le fait qu'elle ait été
sentie comme un tout contrairement à la veille. En revanche, les
composés
après-demain (1531) et le surlendemain (1715) sont modernes, la formation du deuxième est savante.
On notera que dans le double système des temps du français la répartition est celle-ci :
– temps du discours :
demain, après-demain ;
– temps du récit :
le lendemain, le surlendemain.
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