Être
(suite et fin)
6. Le radical fu-
a. Le radical
Cette forme est issue d'un radical
*bheu-
avec l'idée de croître. On la retrouve dans le mot
futur qui désignait aussi le participe
futur du verbe
être,
futurus sum. La racine indoeuropéenne
*bheu- sert notamment pour le verbe
grec φυω, « croître, pousser », mais elle est aussi présente
dans le verbe anglais
to be (être),
le participe passé
been,
les formes allemandes
ich bin (je
suis),
du bist (tu es). Les
autres formes germaniques (
is, are
en anglais) du présent se rattachent à la racine
*es- qui a été traitée
dans la première page.
En revanche, les radicaux d'imparfait germanique se rattachent au thème
*wes, « idée de séjourner
» qui se retrouve dans
was (il
était),
were (ils étaient),
l'allemand
war, wäre, gewesen
(participe passé, été),
Wesen (substantif, être). Le verbe
être en anglais est le seul
à posséder un prétérit qui change au singulier
et au pluriel.
On peut alors observer une divergence entre le latin (ou le grec) et les
langues germaniques : la racine
fu- possédait en latin un sens
orienté vers l'accomplissement d'une action, mais cela s'exprimait
de manière divergente à la fois dans l'avenir (participe futur)
et dans le récit au passé. L'aspect futur a été
abandonné et il n'est plus resté que la valeur perfective du
radical, d'où sa spécialisation en langues néo-latines
pour le passé simple ou parfait. En revanche, dans les langues germaniques,
le fait d'aller vers, de tendre vers, a été employée
pour le moment de l'énonciation tandis que le fait de rester, de demeurer
à tel endroit s'est employé pour définir le passé.
b. Le radical en latin
Le radical
fu- entrait en latin dans les temps suivants :
– indicatif parfait :
fui ;
– indicatif plus-que-parfait :
fueram
(fu + imparfait) ;
– indicatif futur antérieur :
fuero
(fu + futur) ;
– subjonctif parfait :
fuerim (fu
+ radical du futur + désinence du subjonctif présent) ;
– subjonctif plus-que-parfait :
fuissem
(fu + infinitif + désinence du subjonctif imparfait) ;
– infinitif passé :
fuisse
(fu + infinitif).
Ce radical intervient en français au passé simple et au subjonctif
imparfait (je fusse). Les autres temps français présentent
des formes analytiques et non plus synthétiques.
c. Du latin au français
Il ne faut pas remonter au latin classique, mais aux formes plus tardives
:
latin
classique
|
fin du IIIe s.
|
ancien
français
|
portugais
|
espagnol
|
italien
|
occitan
|
fui
|
fui
|
fu(i)
|
fui
|
fui
|
fui
|
fui
|
fuisti
|
*fusti
|
fu(i)s
|
foste
|
fuiste
|
fosti
|
fust
|
fuit
|
*fut
|
fu(it)
|
foi
|
fue
|
fu
|
fo
|
fuimus
|
*fumes
|
fu(i)mes
|
fomos
|
fuemos
|
fummo
|
fom
|
fuistis
|
fustis
|
fu(i))stes
|
fostes
|
fueistis
|
foste
|
fotz
|
fuerunt
|
*furunt
|
fu(i)rent
|
foram
|
fueron
|
furono
|
foron
|
Les formes
fui et
fuit étaient disyllabiques en
latin. Cela a préservé la voyelle
u de la consonnification en /w/ qui est
la règle dans ce genre de cas, devant voyelle et en position tonique
(ainsi
via donne
wja puis
veie, voie). Cette prononciation permettra
le maintien de l'ensemble du paradigme en
u.
Les formes avec
i et sans
i sont attestées aussi bien les
unes que les autres en ancien français. La forme issue du latin classique
a existé en concurrence avec celle venant du latin populaire. La chute
du
-i dans la première personne
est due à l'influence des autres terminaisons. Le
-s est analogique. Le
-t final avait été effacé
à l'écrit dès le XI
e s., il a été
rétabli sous l'influence des verbes comme
eut, conclut, dut...
Revenir au cabinet de curiosités