Gens et gent
Ces homonymes prêtent
à confusion. Ils échangent souvent leurs sens et leurs
formes.
Gent(e)
Il s'agit de l'adjectif
attesté en 1080. Il est issu du latin genitus, bien né,
lui-même venu du verbe gignere,
engendrer . Les sens postérieurs sont donc noble, courtois,
gracieux. On ne l'emploie plus que de manière archaïque,
plaisante : gente dame, gente demoiselle. Il a eu tendance à
être remplacé par gentil, de gentilis qui appartient à la
famille, au peuple. C'est le seul mot vraiment variable dans cette
série. Il a existé un adverbe gentement qui en
était dérivé.
Gent
C'est le substantif féminin qui est le plus souvent au
singulier. Il apparaît à la fin du Xe s.
à partir du latin gens, gentis
dérivé lui aussi gignere,
engendrer. Le mot a toutefois pu être masculin et pluriel en
ancien français. L'idée de la tribu et de la famille
s'est effacée au profit des notions de peuple, nation, puis de
manière familière race, espèce. La gent
française, la gent qui porte turban (Malherbe).
Le premier sens français de peuple était de style
élevé et il a disparu au profit du sens familier
dès le
XVIIe s. : la gent trotte-menu (La Fontaine) ou les souris,
la gent qui prote crête (idem), la gent qui fend les airs (idem).
Il s'agit d'un des fondements du burlesque ou travestissement de
l'épopée dans un registre comique et parodique. Cela a pu
s'appliquer à des qualités morales : la gent comique, la
gent hypocrite, la gent moutonnière. À l'époque
moderne, le terme a pris par imitation de La Fontaine ou de Scarron,
d'autres formes avec un adjectif féminin : la gent
piétonne, la gent féminine (Brassens).
Une erreur fréquente consiste à vouloir faire un faux
accord avec l'article défini : la gente masculine, la gente
politique. Or le terme était déjà féminin
en latin et la présence du -t final est l'aboutissement normal
attendu en phonétique : ce nom appartenant à la
troisième déclinaison ne pouvait pas avoir de
féminin en -a qui aurait donné un e cadu, gentem donne
après apocope gent.
Il existe un pluriel spécialisé : le droit des gens
(1668) qui est la traduction du latin jus gentium (avec un
génitif pluriel). Ces gens ne sont pas des pékins, des
quidams, des gus, mais des nations, des peuples. Ce sont des
règles de droit international qui traitent avec
équité les différentes nations lors des
traités, que ce soit en temps de paix ou de guerre.
Gens
Ce terme écrit en italique
appartient au latin, le nom désigne la famille, le clan : la
gens Julia, la gens Fabia. Le pluriel est gentes, le mot se prononce
normalement dans la forme restituée avec un g dur et des
consonnes sonores, sans aucune nasalisation de la voyelle. La
prononciation dite à la française était jinss,
pluriel jintess.
Gens
Jusqu'au XVIIIe s., gens a pu se construire avec un
numéral seul : trois gens (La Fontaine), quatre gens
(Molière). Cette forme est aujourd'hui considérée
comme régionale : quelques gens (Marie Noël).
Il peut encore se dire pour un nombre déterminé de
personnes à condition d'être précédé
d'un adjectif de sens moral : quatre braves gens, dix honnêtes
gens, trois pauvres gens. C'est aussi le cas pour les adjectifs notant
l'âge : deux jeunes gens, deux vieilles gens.
Lorsque l'adjectif précède le nom, il se met au
féminin : les vieilles gens comme moi sont têtus.
Cela concerne des adjectifs moraux ou d'état : sottes gens,
bonnes gens, méchantes gens, petites gens. L'accord remonte
jusqu'au premier déterminant : toutes les vieilles gens. Cela
concerne tous les déterminants : certaines gens, telles gens,
« Le chat grippe-fromage, Triste Oiseau le hibou, Ronge-Maille le
rat, Dame Belette au long corsage, toutes gens d'esprit
scélérat » (La Fontaine). L'adjectif qui suit
le nom reste au masculin.
L'expression jeunes gens est toujours du pluriel : le singulier est
alors jeune homme. Il faut noter que jeunes gens tend à
être perçu seulement comme un masculin et que le pendant
féminin est alors jeunes filles.
Le nom n'est plus perçu comme tel dans gendarme (XIVe
s.) issu de gens d'armes. Il a pu être agglutiné aussi
dans gendelettre (Balzac,
1843) issu de gens de lettres.
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