Gésir


Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence ;

Et cependant le seul Molière y gît.
La Fontaine, Épitaphe de Molière


Verbe intransitif. Être couché, étendu à terre. Autres sens plus rares : être caché, se trouver ; consister.

Indicatif présent
Indicatif imparfait
Participe présent

je gis
tu gis
il gît
nous gisons
vous gisez
ils gisent

je gisais
tu gisais
il gisait
nous gisions
vous gisiez
ils gisaient




gisant


La situation du verbe en français


Gésir
est surtout employé dans l'expression des épitaphes : ci-gît, ci-gisent, « ici repose(nt) ». Le nom gisant désigne une scupture représentant le mort couché sur un tombeau. Le conditionnel a pu être employé gesirait, qui serait plus correct en gésirait même si l'ancien français connaissait gerra qui pose des problèmes d'homonymies. On a tenté de manière littéraire de former des futurs ou conditionnels comme je gîrai (Claudel), il gira (Lasserre), elle gésirait (Yourcenar). La forme d'ancien français était en fait gisra (Chrétien de Rains, Villehardouin), en moyen français gerra (Marot, Ne sçai où gist Heleine En qui beauté gisoit, Mais ici gist Heleine Où bonté reluisoit ; Icy gerra, s'il n'est pendu, Ou si en la mer il ne tombe.) Il a existé aussi un subjonctif présent gise.

En ancien français, gésir se conjuguait au passé simple comme devoir : jui, geüs, jut, geümes, geüstes, jurent. (formes trouvées par comparaison avec le modèle de base), au participe passé geü. Fait paradoxal : le verbe apparaît d'abord sous la forme du parfait joth (gît) dans la Vie de saint Léger au Xe s.

La prononciation recommandée était gé-sir et non gé-zir jusqu'au milieu du XXe s. Littré note que c'était la prononciation de quelques-uns, ce qui montre qu'elle n'était déjà plus usuelle. Toutefois, cela affectait aussi l'orthographe : « Les mines d'étain de Saxe, de Misnie, de Bohême et de Hongrie gissent, comme celles d'Angleterre, dans les montagnes à couches et d'une médiocre profondeur. » (Buffon). Le fait est ancien, on trouve le double s chez Froissart à l'imparfait.
 

Origines du verbe

Il provient du latin classique jaceo de la deuxième conjugaison, « être couché, étendu ». Il s'agit d'un sens figuré à partir de jacio « lancer, jeter ». Le résultat de l'action est considéré comme un état. La racine indoeuropéenne *ye donne des mots comme jet, jactance (mais non jacter) qui conservent l'idée de la projection.

Les sens du latin étaient fort étendus : séjourner avec l'idée d'abandon, être situé, être calme, stagnant, immobile, en ruines, en décombres, appesanti, abattu, démoralisé, affaissé, terrassé, abîmé par la douleur, négligé, diminué, malade, mourant, endormi, engourdi, sans vie, à la disposition de tous. Cela pouvait s'appliquer à des parties du corps ou à des inanimés. Les temps les plus employés étaient ceux de l'infectum ce qui explique pourquoi le passé simple issu du perfectum était si rare en ancien français.

L'ancien français a repris le sens le plus fréquent d'être couché, mais il a procédé à une même dérive sémantique avec gésir en pour « résider dans » (1160, Énéas). À l'époque classique, le verbe a signifié « se trouver » : « À l'endroit où gisait cette somme enterrée » (La Fontaine).

En ancien français encore, gesir de a signifié « accoucher » (1180), ce qui donne la gésine (1160) qui devait remonter à un latin populaire *jacina, « couche », par le biais de l'ancien occitan jazina, « litière ». L'expression en gésine est désuète à l'époque classique. On la trouve néanmoins chez La Fontaine : « Où la laie était en gésine ».


Les dérivés de gésir


Ils sont plus nombreux qu'on pourrait le croire. Le gisant ou représentation sculptée et couchée du défunt est une forme évidente, mais le sens est en fait récent (1911) même si la forme est ancienne. Le gisant s'oppose en fait à l'orant ou statue montrant une personne en train de prier. Un autre participe présent est issu du latin de manière savante : jacent (1509). Il est formé sur jacens avec le sens d'être à l'abandon, sans propriétaire. Ce sens existait déjà en latin. Il s'emploie donc comme un concurrent de vacant.

Le participe passé gis est une réfection de geü sur les verbes du deuxième groupe, mais il a donné le gîte ou endroit pour se loger (1176), la gîte ou lieu dans lequel un bateau s'est enfoncé (1859), le gisement comme action de se coucher puis d'endroit où se trouvent des minéraux (1200). Le participe passé a donné par l'intermédiaire du gîte le verbe gîter (1210) pour fournir un gîte, puis pour se loger en parlant des bêtes. Plus spécialement encore, c'est le terrier du lapin ou du lièvre :

L'aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite ;
Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin ;
Je laisse à penser si ce gîte
Était sûr ; mais où mieux ?
Jean Lapin s'y blottit.
(La Fontaine)


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