Les vers holorimes
Les vers holorimes reposent sur une allographie ou ressemblance plus ou moins homophonique entre des mots. Le vers rime en entier.
Voici des exemples de vers holorimes :
Alphonse Allais
Le public est priés d'apporter sa bienveilante attention à ce curieux exercice. Ainsi que dans le cochon où tout est bon, depuis la queue jusqu'à la tête, dans mes vers, tout est rime, depuis la première syllabe jusqu'à la dernière.
Conseils à un voyageur timoré qui s'apprêtait à traverser une forêt hantée par des êtres surnaturels
Par les bois du Djinn, où s'entasse de l'effroi
Parle et bois du gin ou cent tasses de lait froid.
Exhortation au pauvre Dante
Ah ! Vois au pont du Loing ! De là, vogue en mer, Dante !
Hâve oiseau, pondu loing de la vogue... ennuyeuse¹.¹La rime n'est pas très riche, mais j'aime mieux ça que la trivialité.Un grand seigneur anglais se guérit du spleen par l'exercice en plein air
Sir¹ Eveill – il paraît – chasselas détraqué
Se réveille ! Il part et chasse, las d'être à quai.
¹ Sir se prononce « sœur ». Et ta sœur ?
Proposition folichonne d'un peintre un peu loufoc qui voulait entraîner une jeune femme dans ses cryptes, à seule fin de lui peindre le dos avec de la couleur verteJe dis, mettons, vers mes passages souterrains
Jeudi, mes tons verts, mais pas sages, sous tes reins.
Résultat du pari qu'avait fait le grand entrepositaire Soubeyran de porter sur ses épaules notre sympathique confrère, M. Émile Berre, du Figaro
Soubeyran, marchand de vin, pale, ale, porter¹
Sous Berre, en marchant, devint pâle à le porter.
¹ Pale, ale, porter, se prononce : pâle à le porter, autrement ça ne rimerait pas !À mon bien cher ami Adhémar de Kelque¹De Kelque, préférons qu'orale à part se rie
De quelques préfets ronds, Cora Laparcerie.
¹ Mon bien cher ami Adhémar de Kelque n'existe pas, ou, s'il existe, il s'appelle peut-être Adhémar, mais à coup sûr, pas de Kelque, de kelque se trouvant être un nom qu'à l'instant je fabrique de toutes pièces, acculé que j'étais par les contraintes de la rime.
Pas sage, le niais savait qu'Achard ne ment
Pas. Ça, je le niais avec acharnement.Alphonse Allais de l'âme erre et se f... out à l'eau
Ah ! l'fond salé de la mer ! Hé ! ce fou ! Hallo !
Aidé, j'adhère au quai, lâche et rond, je m'ébats
Et déjà, des roquets lâchés rongent mes bas.
« Comment t'appelles-tu, toi ?
— Moine (Oscar)
— D'où es-tu ?
— D'ici même, monsieur, de Victot. »
À ce moment, la patronne du cabaret me dit :
« Tiens ! Vous parlez donc français ? Je vous avais pris pour un Anglais. »
Et je m'enfuis en maugréant :Moine (Oscar) de Victot ramona... J'étranglais !Car il faut dire que mon vrai nom, c'est Nauscarde (Victor), Alphonse Allais n'est qu'un pseudonyme.
Moi, Nauscarde Victor, à mon âge, être Anglais !« Qui est cette dame ? fis-je à mon compagnon de route.
— Comment, vous ne connaissez pas Parsé, la belle Parsé !Une délicieuse odalisque enlevée au harem du pacha de X... par un bey qu'on avait surnommé Chat botté. Cette Parsé, d'ailleurs, à peine arrivée à Paris, plaqua son ravisseur et devint l'idole de la capitale. »
Et je murmurai à part moi :Par ses charmes, appas, ris, et du pacha beautéVous conviendrez sans peine que cette aventure est placée sous le signe de l'évidence absolue !
Parsé charma Paris et dupa chat botté.Étrange façon dont la France traite sa belle possession d'Afrique
L'arbitraire
L'arbi traire.Réponse de M. Brunetière à la petite Jora pour lui refuser une partie de polo qu'elle lui proposait et pour l'engager – en lui tapant sur les joues – à se livrer dorénavant à des sujets d'un ordre supérieur
Je ne joue au polo, ma Jora, qu'à Namur
Jeune joue ! ô paulo majora canamus.
(En wallon, Namur se prononce Namus.)
La protubérance
Du prote Hubert Hanz
Lapereau tubé, rance
Dupe rôt, tube et ranz !Explication : Hubert Hanz, le symaptique prote du Journal de Genève, a la bosse (la protubérance) de la chasse. Un jour, il tue un lapin avec son fusil... Le fusil, c'est un tube, n'est-ce pas ? Alors, lapereau tubé ! Mais, ce que le pauvre Hubert prenait pour un lapereau n'était qu'un vieux lapin rance. Hubert s'aperçoit de sa méprise en mangeant son gibier rôti : rance, dupe rôt ! Alors, que fait ce vieux philosophe d'Hubert Hanz ? Pour se consoler, il décroche son cor de chasse, lequel en somme, n'est qu'un tube recourbé, et sonne le ranz des vaches : tube et ranz ! Hein ! Que pensez-vous de ça ? Est-il possible d'être plus concret ?Le bœuf à la vache Réponse de la vache
D'où te vint
L'air boulot ? J'ai mi-soûle
L'herbe ou l'eau ? Gémi sous le
Doute vain Faix nouveauÔ Seigneur !
Quelle panse ! Aide ! Grâce !
Qu'elle pense Et, de grasse
Au saigneur. Fais- nous veau.
Charles CrosÀ un page bleu de la reine Isabeau
Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Où dure, Ève d'efforts sa langue irrite (erreur !)
Ou du rêve des forts alanguis rit (terreur !)
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses.André Duvignac
Helledhi et Lapré
La prêtresse écoutait dans le parc aux iris
Au bord d'un étang, molle ailette où Lapré tresse...
La pré tresse et coud taie dans la barque... Osiris !
Aube ordonnée. Temps mol ! Elle est tout, la prêtresse.Or là mourait, en gémissant, trépas léger
Un ami de Lapré, saoul des parfums de menthes ;
Or l'amour est danger ; m'y sens très pâle et j'ai
Une âme délabrée, soudée par feinte amante.Elle dit, sans fond : « Cet ami, nuit dans l'âme. » Or,
Helledhi s'enfonçait à minuit dans la mort...
Oh ! mat ! Un son fit se fissurer la villa...Lapré tresse posa : « C'est demain, sur l'âme ! » Horte,
Au matin, son fils, se fit sûr et la vit là...
La prêtresse posa ses deux mains sur la morte.
Jean Goudeski
Je t'attends samedi, car, Alphonse Allais, car
À l'ombre, à Vaux, l'on gèle. Arrive. Oh ! la campagne !
Allons – bravo ! – longer a rive au lac, en pagne ;
Jette à temps, ça me dit, carafons à l'écart.Laisse aussi sombrer tes déboires, et dépêche !
L'attrait : (puis, sens !) une omelette au lard nous rit,
Lait, saucisse, ombres, thé, des poires et des pêches,
Là, très puissant, un homme l'est tôt. L'art nourrit.Et, le verre à la main – t'es-tu décidé ? Roule –
Elle verra, là mainte étude s'y déroule,
Ta main étudiera les bêtes et les gens !Comme aux Dieux devisant, Hébé (c'est ma compagne)...
Commode, yeux de vice hantés, baissés, m'accompagne...
Amusé, tu diras : « L'Hébé te soule, hé ! Jean ! »Victor Hugo
Ô fragiles Hébreux ! Allez, Rebecca tombe,
Offre à Gilles zèbres, œufs : à l'Érèbe, hécatombe !Et ma blême araignée, ogre illogique et las,
Aimable, aime à régner, au gris logis qu'elle a.Daniel Marmié
À l'éventaire du bouquiniste
Argotiques romans, dès demain épuisés
Art gothique, roman : des deux mains, eh, puisez !Une adolescence difficile
Jeune, petit, raillé, cœur âgé, cœur usé,
Je ne peux, tiraillé, que rager, que ruser.Rimbaud : sonnet des voyelles (abrégé)
A velu, l'E trou blanc, l'I rouge sang, bleu O,
Hâve l'U : le troublant lire où Je semble haut !Baudelaire, Œuvres complètes (résumé)
M'émeut, perle d'égout, la catin poétique,
Mais me perd le dégoût las qu'atteint Poe, étique.
Marc Monnier
Gall, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l'arène à la tour Magne, à Nîmes.
David P. Massot
À Lesbos, à Tyr, l'évangile est appris.
Ah ! Laisse, beau satyre, l'Ève en gilet t'a pris.As et saouls vantent au lycée Janson-de-Sailly ;
Assez souvent au lit ces gens sont de saillie.
Lucien Reymond
Dans cet antre, lassés de gêner au Palais,
Dansaient entrelacés deux généraux pas laids.Au Café de la Paix, grand-père, il se fait tard.
Oh ! qu'a fait de la pègre en péril ce fêtard ?L'annonceras-tu, Eh ! ami : « Dix sous l'attente »
L'ânon sera tué à midi sous la tente.Il s'agit de l'oeuvre d'un poète persan, fanatique de l'Islam dont il fait la louange en laissant entrevoir la paix de l'âme à ses croyants :
Ah ! L'Iran maudit vint à l'heure et rêve ailé
À lire en mots divins, t'a le « Vrai » révélé
Comment déjà, d'Islam à La Mecque fidèle
Commandait jadis l'âme, Allah, mais que fit d'elle ?
Ainsi, tentait de voir en versets te citer,
Insistant, tes devoirs envers cette cité.
Làs, c'est écrit cent fois, le regard d'Allah perce.
Lassé des cris sans foi, l'heureux garda la Perse.
Cher, cher athée errant, seul, ivre d'aise irai.
Chercher à Téhéran ce livre désiré.
Ah ! Par une aide à l'âme est, dit-on, le message
Apparu, né d'Allah. Méditons-le, mes sages.Louise de Vilmorin
Étonnamment monotone et lasse
Est ton âme en mon automne, hélas !Elle sort là-bas des menthes,
La belle Ève a l'âme hantée
Et le sort l'abat démente.
L'abbé laid va lamenter.L'âme est moirée par mille émois sans torts
La mémoire est parmi les mois, Centaure.
Il est ce Perceval, heureux pére sera Il espère... Ce valeureux percera !