La métathèse



La métathèse est une figure de diction et un métaplasme. Elle consiste dans l'inversion de deux phonèmes ou de deux syllabes à l'intérieur d'un mot ou d'un groupe de mots. Le mot date de 1587 et vient du grec metathesis « transposition ». Une forme courante de la métathèse est le contrepet. 


Métathèses historiques

La métathèse intervient dans l'évolution d'un certain nombre de mots français. La liste qui suit ne se veut pas exhaustive, toutefois elle fait intervenir des métathèses qui ont disparu ou qui ont été posées comme hypothèses.

Brebis, n. f., attesté au XIIIe s. ; berbis XI; latin populaire berbicem (Gloses de Reichenau), latin classique berbecem, variante de vervecem, accusatif de vervex. La métathèse porte sur le déplacement du r par relâchement articulatoire du e.

Breuvage, n. m., XVIe; bruvaige 1450; bovrage XIIe s. ; à partir des infinitifs beivre, bevre, boivre, variantes anciennes de boire (latin bibere). Les autres langues latines ne connaissent pas cette évolution : provençal beurage ; espagnol bebrage ; portugais beberagem ; italien beveraggio. La métathèse est contemporaine de l'amuïssement du v de boivre assimilé au r de l'infinitif.

Brucelles, n. f. pl., 1751; du latin médiéval brucella, par métathèse de bursella ou altération de berselle, du latin médiéval bersella. Les brucelles sont des petites pinces à ressorts.

Cagibi, n.m., 1902; mot de l'Ouest, métathèse de cabigit, cabagit « cahute ».

Certes, adv. Provenç. et anc. espagn. certas ; catal. certes. Il y avait l'ancien adjectif cert, dont certes, certas, est le pluriel féminin. La locution complète est à certes, que l'on trouve en effet, et sous-entendu un substantif indéterminé féminin pluriel, comme voies, manières, choses ; elle suppose une forme latine a certis ; c'est pour cela que certes s'est toujours écrit avec une s, qui, comme on voit, n'est point un caprice d'orthographe et qui seule permet de comprendre comment certes a un sens adverbial. Certus est, par métathèse, pour cretus, participe passé de cernere, séparer, distinguer, le même que le grec, juger (voir crise, critique).

Crocodile, n. m., 1538 ; cocodrille XIIes.; cocatrix ; latin crocodilus, grec Krokodeilos. La métathèse s'est produite en français, mais le mot a retrouvé en moyen français son étymologie. Provençal cocodrilh, cocodrilhe, et aussi calcatrics ; espagnol cocodrilo ; italien coccodrillo. 

Échancrer, v. Le verbe dérive de chancre, XIIIe s. du latin cancer « ulcère ». Une métathèse s'est produite en ancien français : « La kule [il] out sus les dras ; cel ordre volt celer ; Mes de pans et de maunches l'aveit fet ecrancer », Thomas le martyr.

Étincelle, n. f., fin XIe s. estencele ; latin populaire stincilla, classique scintilla. Provençal scintilla, cintilla ; espagnol centella ; italien scintilla. L'ancien français estincelle développe une métathèse originale. Le XVIe s. a parfois repris la forme latine et disait scintille.

Farouche, adj., faroche XIIIe s., métathèse de l'ancien français forasche ; bas latin forasticus « étranger, sauvage ». La métathèse porte sur l'inversion des voyelles a et o. Voir aussi fors.

Fromage
,
fin XIIe s. variante de formage en ancien français,  latin populaire formaticum, « ce qui est fait dans une forme », terme que l'on retrouve dans fourme.

Frange, n. f., fin XIIe s,. latin populaire frimbia, métathèse du latin classique fimbria.

Lanière, n. f., XIVe s., lasnière XIIe s. ; de l'ancien français lasne, probablement de l'ancien français nasle, du francique nastila « lacet ».

Moelle, n. f., moele par métathèse 1265, meole XIIe s., latin medulla.

Moustique, n. m., 1654 ; métathèse de mousquite (mousquitte 1603), espagnol mosquito, de mosca « mouche ».

Reptile. Lat. reptilis, de reptum, supin de repere, ramper. On a vu repo comme une autre forme de srepo, métathèse de serpo, ramper (comme dans herpès).

Suivre, XIIIe s., sivre 1080 ; refait sur il suit, métathèse de siut ; en latin populaire sequit, sequere, classique sequi. La métathèse des deux voyelles s'est produite à date ancienne par analogie avec les terminaisons des verbes du deuxième groupe.

Tremper
, déb. XIIIe s., sous la forme du participe passé en 1170 ; altération de temprer « mélanger » fin XIs., du latin temperare, voir par exemple tempérer formé directement sur le radical latin. Pr
ovençal, temprar, trempar ; espagnol, templar ; portugais, temperar ; italien temprare.

Tride, espèce de grive.Déformation, par métathèse, de turde


Métathèses populaires

Aréoplane, aéropage, carapaçon, infractus.



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