Nominatif : ĕgŏ
Le pronom latin possède un correspondant identique en grec,
egô.
Ce pronom existe aussi en falisque sous la forme
ego. La
métrique latine a imposé très tôt
ĕgŏ
à la place de
egō.
L'indoeuropéen connaissait une forme
*og (hittite uk) qui
alternait avec un radical
*eg
(vieux haut
allemand
ik, vieil islandais
ek). C'est sur le deuxième
thème qu'a été formé le latin. Le radical a
été croisé avec l'italique en vénète
comme en gotique
mexo, mik.
Le latin possédait aussi des formes
d'insistance avec des particules diverses :
ego-met, ego-ple.
Le mot est à la base des pronoms sujets dans les
différentes langues romanes : italien
io, sarde
eo, espagnol
yo,
portugais
eu, roumain
eŭ, occitan
ieu (d'abord
eu), catalan
jo, romanche
jeu,
ióu, engadinois
áia, tyrolien
íœ, frioulan
ió. La
forme sarde est la plus conservatrice du fait de l'isolat. Les parlers
rhétiques lombards et vénètes ont perdu ce pronom.
Le pronom latin a été réduit à
eo dans la
prononciation avant le IV
e s, la graphie est attestée
au VI
e s.
La forme pourrait être d'origine ombrienne. Le pronom pouvait
être atone ou tonique. Atone, il renforce le
e initial en yod,
d'où en ancien français la forme
jo, affaiblie en
je au
XIIe s. Une forme
jeo combine
les deux. Le picard forme
jou.
Tonique,
le pronom diphtongue : l'
e
ouvert devient
ie,
d'où la forme
ieo
attestée au XII
e s. Cette forme réduite
ensuite à
ie donne
gie par croisement avec
jo, je.
En ancien français, le pronom sujet a commencé à
être employé de manière obligatoire en début
de phrase afin d'éviter de commencer la phrase par un verbe ou
un pronom atone. Cet usage différencie le français de
l'occitan ou des autres langues romanes. Il ne s'agissait pas d'un
phénomène d'insistance. L'accentuation de
je permettait
de le faire suivre d'un autre sujet ou d'un complément : «
je et
mi chevalier venimes » (Joinville). Cet emploi a disparu
en
français moderne du fait du caractère atone du pronom
sujet. La forme atone a eu des conséquences dans l'emploi des
sujet inversés (paragoge dans
chanté-je) ou dans le
recours au pronom complément tonique non seulement pour
l'emphase (
moi, je crois ; c'est moi
qui viens), mais aussi pour les
constructions à sujets multiples (
moi et mon fils venons) ou le
vocatif.
On peut en conclure que le français a conservé
partiellement le nominatif latin et que son emploi ne couvre pas du
tout celui du nominatif latin. En fait, il existe deux formes sujets en
français :
je et moi.
La forme
je supplée
l'absence de
marque verbale clairement distinctive pour la plupart des verbes, mais
la présence de ce pronom a sans doute entraîné
l'indistinction des désinences verbales.
Accusatif : mē
La forme indoeuropéenne semble être
*mĕ, conservée
en grec par
mé
parallèlement à une forme tonique
émé qui est
issue d'un croisement avec la voyelle
initiale du nominatif. On retrouve cette forme dans le sanskrit
mā atone à
côté de
mām
tonique. Des formes
archaïques sont
mehe
chez Quintilien et
med chez
Plaute.
Les formes se différencient selon que le terme est atone ou
tonique. L'espagnol, le portugais et l'occitan ont comme pronom direct
et indirect
me. L'italien a
comme complément direct et comme
datif
me, comme
complément indirect
mi.
La répartition
des formes est tardive. Les différentes régions de la
Romania avant le VIII
e s. ont employé une seule
forme : ou bien
me ou bien
mi issu de
mei, réduction de
mihi. Le pronom
français
me est issu
de l'accusatif en position atone, avant le
verbe. Le pronom
moi provient
au XII
e s. de
mei
par diphtongaison de
me
en position tonique. Les parlers septentrionaux (picard, wallon,
lorrain) ont conservé
mi
venu de
mihi datif. Le pronom
me s'élide en occitan
comme en français.
L'italien a remplacé très tôt le pronom personnel
régime atone par un adverbe de lieu :
ci =
ecce-hic. Il a fait aussi de
ne issu de
inde (adverbe de lieu) un
complément atone de moi :
Lo
salire omai ne parrà gioco (Dante).
Génitif : mĕi
Il n'existait pas de forme indoeuropéenne du génitif pour
ces pronoms. Le sanskrit a utilisé la forme
mē du datif, le grec
a employé la désinence
*syo
des démonstratifs
meio
sur le radical de l'accusatif. Quant au latin, il utilise une forme
mei
où l'adjectif possessif
meus
peut s'analyser au génitif.
La forme
mis citée par
Priscien peut s'analyser comme une
réfection sur les noms.
Datif : mĭhĭ
La forme
mĭhĭ résulte
d'un affaiblissement de
mīhī .
La
désinence casuelle est mal expliquée, elle ne correspond
pas à celles des deuxième et troisième personnes
(tibi, sibi), mais elle a un correspondant en ombrien mehe et en
sanskrit
mahyam (<
*me-hy-e/am). Le morphème
*-hey dans
*mehei
pourrait venir de
*me-(b)hey.
Le latin présente encore une
forme réduite
mī,
notamment chez Cicéron. C'est cette
dernière forme que l'on trouve dans les parlers du nord et
de l'est à la place de moi, ou en italien encore.
L'espagnol utilise
mí
comme régime accentué après préposition, le
portugais
mim par
développement phonétique à partir du XV
e
s. Des formes composées avec
cum sont apparues de bonne heure :
conmigo (et aussi
contigo, consigo,
anciennement
consico, ainsi
que
connusco, convusco), en
ancien
portugais,
mego, migo. Ces
dernières ont été refaites en
comigo,
comtigo. Il s'agit d'une forme pléonastique. En italien,
la forme
meco (et aussi
teco, seco, poétiquement
nosco, vosco) est restée
simple.
Le pronom subit l'enclise en italien et il se soude au verbe à
l'impératif (
dimmi),
mais encore après l'infinitif et le gérondif. Cette forme
était courante au XIII
e s. et chez Dante. Il s'agit
de la conservation d'un état du bas-latin.
En roumain, le datif a été conservé comme cas. Le
régime tonique
mine et
atone
îmi (allongement
de
mǎ devant consonne) sont
distincts du datif
mie. Ce
datif peut remplacer le pronom possessif comme en occitan.
En romanche, la forme accentuée du régime direct (
méi) est aussi distincte de
celle du datif (
a mi)
même si elles ont la même origine.
Ablatif : mē
Il était formé à l'aide d'une particule
-d
empruntée aux démonstratifs, sa formation est plus
tardive . Le sanskrit
mát correspond
au latin
*mēd (comme
tēd
chez Plaute,
tvát en
sanskrit, plus
sēd). C'est
pourquoi le
datif était différent du génitif contrairement
à ce qui se produit généralement pour les noms.
C'est une preuve de construction plus récente.
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