La lettre Q
Sa fréquence est de 1,34 % en 1947 ; de 9,8 % en 2000. Elle était la 15e
lettre fréquente, elle est la 19e aujourd'hui.
Elle n'apparaît pas dans les alphabets latins du gallois, du letton, du
lituanien, du turc.
Le q a comme origine la lettre
phénicienne qof (qoph), en
grec koppa. Elle figure dans l'alphabet
dorien de Cumes. La
racine qof signifierait «
singe ». La lettre phénicienne représente un
cercle barré en son centre par une barre médiane verticale. Le dessin
n'explique guère la signification du nom. Elle a été utilisée en
corinthien, mais elle n'était pas d'une grande utilité car le grec ne
distingue pas entre les consonnes notées par kâf (de la même famille
que kappa) et qâf (lié à
koppa) contrairement aux langues sémitiques.
La lettre est ensuite empruntée par les Étrusques. Comme en grec
archaïque, elle va noter le phonème /θ/, th, en concurrence avec théta
Θ qui pouvait être écrit en étrusque
. Il
s'agit d'une consonne aspirée qui pouvait aussi correspondre à un êta
grec H. La forme du q en
étrusque est encore celle du cercle, mais
pourvu d'une queue verticale médiane à l'époque archaïque, puis cette
queue va se déplacer à droite au IVe s. en messapien La
volonté était
de le distinguer de la lettre issue de phi grec Φ. La queue du q
ne servait donc pas à distinguer la lettre de l'O issu d'omicron,
mais le cercle va adopter en latin la forme même du O.
Le q est fort peu présent
dans les alphabets italiques. On le rencontre
en messapien et dans l'écriture de Novilara, proches de l'étrusque. Le
latin n'avait pas besoin de noter une dentale aspirée contrairement à
l'étrusque ou au grec. Des lettres comme théta Θ, phi Φ,
êta H, khi X n'étaient donc pas utiles. L'êta a
été emprunté néanmoins, mais la consonne phonétique avait disparue à la
fin de l'époque républicaine et elle n'était plus qu'une notation
étymologique. Le phi et le théta serviront dans l'écriture des nombres.
Le khi sera emprunté plus tard comme lettre pour les mots étrangers.
Reste donc le koppa. Le latin archaïque possédait une consonne /kw/
différente de /k/.Le koppa servira à la noter et c'est pourquoi les
mots latins sont écrits avec la séquence qu. Mais la consonne évoluera
ensuite vers /kw/ par dissimilation. Le V latin sera à la fin de la
République une semi-consonne /w/ après q. La lettre est en
concurrence en latin avec C et K. Le K intervient dans des mots
d'origine grecque, mais surtout d'abord dans des mots d'origine
étrusque comme Kalendae
(calendes). L'étrusque ne faisait pas de
différence entre /k/ et /g/. L'opposition des lettres tenait compte de
la voyelle suivante, C était suivi de E et I, K de A, Q de U, mais cela
n'avait rien d'absolu. La lettre grecque gamma Γ servait à noter
la même occlusive que kappa.
En revanche, l'opposition de sonorité
était pertinente en latin. Les Romains ne vont pas employer au début le
kappa pour la consonne sourde, ils continueront à user du gamma. Le
kappa a été réservé à des abréviations. Toutefois, le besoin d'une
lettre particulière s'est fait sentir. Or le koppa était réservé à la
consonne /kw/. On va donc bricoler une nouvelle lettre à
partir du
gamma, le G qui prend une barre tandis que le C conserve la forme du
gamma. Cela explique les formes comme Gaius prononcé Caius.
Résumons. Le Q a représenté une consonne que l'on retrouve dans les
translittérations modernes de l'arabe et de l'hébreu. C'est sa valeur
d'origine. Il a été une consonne dentale en grec et en étrusque, valeur
qui a disparu mais qui a permis son maintien. Il a été une consonne
/kw/ en latin, d'où sa présence jumelée à u. Il se retrouve en
concurrence avec C et K seulement à la fin de l'ère républicaine à
Rome.
Le Q est ressenti en ancien français comme une lettre inutile. On le
remplace presque systématiquement par K ou par C. Ainsi, on écrit ki,
ke, surtout au nord de la Loire. Des formes comme cadran issu de quatro
s'expliquent ainsi. Toutefois, la Renaissance procède à un retour
étymologique et les humanistes bannissent les formes avec K parce
qu'ils préfèrent les réserver aux mots grecs. Robert Estienne ne donne
pas le K dans son Traicte de
l'orthographe francoise (1559). Il n'y
aura plus de mots avec K au cours du XVIIe s. Les réfections
latines
nécessitent le besoin de nommer cette lettre souvent omise auparavant.
Le nom du C (cé) se distinguait nettement de celui du K (ké) et de
celui de l'S (esse). Ramus propose de nommer les lettres en tenant
compte de leur signification dans les langues anciennes. Le nom du K
(ka) devient analogique de celui de kappa. Celui du Q (cu) va prendre
sa source dans le latin puisqu'il est toujours suivi d'un u. Ramus sera
raillé parce qu'il demande le rétablissement oral du u latin dans les noms
latins alors que l'habitude était de l'omettre. Cela débouche sur la
querelle des cancans, du nom
de la conjonction latine quanquam
(quoique). Mais surtout on va lui reprocher la prononciation indécente
de cette lettre. Au XVIIe s., une prononciation dite moderne
est
proposée par Port-Royal et elle aligne toutes les lettres : be, ce,
de... je, ke, le.... pe, que, re, se... On voit les
inconvénients de
cette épellation puisque C et S ont le même nom, de même que K et Q.
Jusqu'au XXe s., dans les établissements religieux, la
lettre Q sera
nommée la lettre impudique ou bien nommée par que.
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