La lettre T

La fréquence de cette lettre était de 7,3 % en 1947 ; elle est de 7 % en 2000. Elle était en cinquième position, elle recule à la sixième, dépassée par le i. C'est la troisième consonne fréquente, juste après le s, le n et avant le r. Cette forte présence s'explique par son rôle grammatical dans les désinences verbales, les formations de diminutifs, les suffixes abstraits.



Histoire

 La lettre phénicienne tau signifiait « marque, signe » et elle représentait une croix ×, ou + en protosinaïque . Elle prend la forme d'un T en grec, puis en étrusque, et elle ne change plus guère.

 Toutefois, il existait une autre lettre t, le thêta. L'origine du signe têt en phénicien est inconnue. On peut y voir une variante du signe précédent : le têt représentait une croix inscrite dans un cercle. Elle ne figure pas en protosinaïque. Les deux phonèmes sont voisins, l'un étant marqué par son aspiration.

Le thêta grec devient Θ en grec. La croix est simplifiée, elle deviendra une barre médiane dans l'écriture cursive θ. Le thêta passe en étrusque, il se simplifiera avec un point central comme en ombrien, mais il adopte aussi la forme de la croix en cercle dans l'alphabet de Novilara ou l'alphabet picénien.   

Le thêta n'était d'aucune utilité en latin qui ne connaissait pas l'aspiration. Le thêta servira donc à écrire des chiffres comme les autres lettres grecques superflues, le phi et le psi. Il se simplifie ensuite en C et il note alors le nombre cent.

Toutefois, le latin emprunte ensuite des mots au grec et il se sert alors d'une lettre conservée pour des raisons étymologiques, mais qui ne notait plus de consonne comme en phénicien ou de voyelle comme en grec, l'êta H. Ce sera donc la première lettre diacritique en latin et elle entrera dans les combinaisons ch pour chi X (le xi Ξ étant noté x), ph pour phi Φ (la lettre grecque donnant le nombre M, mille) et th pour thêta. Le rôle diacritique de l'êta sera étendu en grec par la naissance des accents grave et aigu, puis dans les langues occidentales avec d'autres combinaisons (sh, sch, xh, lh, nh, dh, wh).

Le vieil anglais a d'abord employé deux lettres particulières. Le thorn Þ, þ est tiré d'une rune qui a sans doute comme origine le phi grec. Le eth (edh en islandais) Ð, ð, est une modification du D issu de delta ; on lui a adjoint une barre comme auparavant pour le G issu de C. Mais cette origine est peu sûre et la lettre peut remonter à l'ajout d'un punctum delens au D comme en irlandais. Le nom eth remonte au au XIXe s. seulement. Ces deux symboles étaient interchangeables et pouvaient noter la même consonne même si l'anglais RP contemporain fait une distinction entre deux phonèmes. .

Le moyen anglais (XIVe et XVe s.) va simplifier l'ensemble des graphies (Ċ, Ġ) et les deux lettres employées en anglais, mais aussi en norrois, vont être écrites avec th. Il s'agit d'une influence continentale, plus particulièrement française, et l'imprimerie va stabiliser un système sans signes diacritiques, mais avec lettres modificatrices communes au reste de l'Europe. Mūþ devient mouth, þat devient that, ðū devient thou. Cependant, þ peut être aussi remplacé par y, ce qui explique les archaïsmes comme þe (the) écrit aussi ye mais prononcé [þe]. Plus tard, lorsque la lettre y n'a plus servi que pour le yod, on a lu l'article défini écrit ye  [ji], ce qui est une erreur d'interprétation. Cette situation complexe donne au th anglais trois valeurs différentes car le th d'origine gréco-latine peut être réalisé comme une fricative dentale, ou bien comme l'occlusive alvéolaire du français (theater versus thyme) si le mot est d'abord passé par le français.

La forme de la lettre t minuscule varie peu. Sa barre qui était supérieure en minuscule grecque descend en latin dès l'Antiquité avec l'invention de la cursive. Cette barre médiane va servir dans le dessin d'autres d'autres signes, non pas comme marque diacritique mais comme indice sur l'authenticité de la lettre. Par exemple, elle s'est transmise au z en allemand, au 7 dans les graphies continentales


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