La carambole


La carambole (1610) est un fruit orangé ou purpurin et sphérique, d'abord nommé avec un faux pluriel carambolas (1602). L'origine est portugaise carambola (1563), et peut-être emprunté au marathe karambal, car la carambola provient d'Asie. Plus lointainement, le mot remonte au sanskrit karmaranga.

La finale est altérée par bola , la boule ou la bille en portugais. Elle est surtout présente dans la cuisine antillaise ou américaine, même si elle commence à être connue en Europe. C'est un fruit qui ne se pèle pas, elle se découpe en tranches. Elle se sert en salade, en confiture, en jus de fruit. Aux Antilles, on l'utilisait pour détacher le linge, polir les métaux car elle contient de l'oxyde de potassium. Le carambolier (1783) ou arbre à caramboles est appelé Averrhoa carambola.

Le nom portugais est passé en espagnol en 1578 et il a servi aussi à désigner les billes de billard rouges à cause de la ressemblance de forme et de couleur au début du XVIIe s. Cette métaphore passe ensuite en français vers 1792. Le verbe caramboler, d'abord caramboller (1792) signifie au début « toucher du même coup deux boules avec la sienne ». De là vient l'un des noms du billard français ou européen, le billard carambole, qui se joue à trois boules sur des tables sans trous, par opposition au billard américain ou billard à poches ou snooker.

De caramboler comme faire d'une pierre deux coups, on passe à un sens figuré, provoquer une chute : « Leur père qui carambole en ruinant son fils et sa fille », Balzac. Le fait de se caramboler se spécialise après dans le domaine automobile par analogie entre les boules et les voitures. Le carambolage suit la même évolution du billard (1812) aux chocs de véhicules. Le même genre de métaphore se retrouve dans le billard qui est la route plane en argot (1927) avec l'idée que « cela roule ».  L'idée de heurt se retrouve en revanche dans le billard comme terrain de combat (1916), le verbe biller pour frapper (1912), d'où l'expression courante bille en tête à partir de faire des effets au billard.

De l'idée de heurt, on passe à celle du coup porté par violence : caramboler veut dire battre en 1862 et carambolage est synonyme de lutte en 1867. Comme il y a contact physique, on passe à l'idée de contact sexuel : caramboler signifie posséder en 1864, se faire caramboler renvoie au fait d'être pris en 1877 et carambolage évoque le coït en 1881. On peut trouver aussi d'autres motivations à cette histoire de queue et de boules.

Le vol à la carambole (1878) concerne le vol à l'étalage, par comparaison avec le mouvement des boules de billard et celui des marchandises qui passent de complice à complice. Ce terme est altéré alors en carambouillage (1899), carambouille (1912) et au fait de carambouiller (1928) pour l'escroquerie consistant à revendre une marchandise non payée. De là, on étend la carambouille ou le carambouillage à la faillite (1936) et l'action de carambouiller au fait de dévaliser (1935). La finale s'explique par la synonymie entre la boule et la bouille, mais aussi par le suffixe péjoratif -ouille (fripouille, tripatouille). L'escroc ou carambouilleur est nommé en 1926. Le caramboleur était le joueur qui faisait des carambolages à l'origine. L'évolution du mot est indépendante de la carabistouille belge, sottise ou petite escroquerie qui n'apparaît en français hexagonal que bien plus tard (1955).

Revenir au jardin

Revenir au sommaire