La châtaigne

Le nom de l'arbre est dérivé du nom du fruit en français, mais en latin castanea désignait l'un et l'autre. Ce nom latin est lui-même issu du grec kastanea de kastana au masculin pluriel se rapportant au châtaignier.

L'origine du nom grec est confuse. On l'attribue parfois à la ville de Kastanon en Thessalie ou dans le Pont qui aurait été réputée pour la qualité de ses châtaignes. Il est plus probable que la ville tire son nom de l'arbre. Le mot est probablement originaire d'Asie mineure, il a été également emprunté par l'arménien kask le fruit, kaskeni l'arbre.

Une légende tardive veut que le châtaignier soit né de Jupiter ou de Diane. Courtisée par Jupiter, la nymphe Néa, compagne de Diane, préféra se tuer plutôt que de perdre sa vertu. Pour lui rendre hommage, elle fut transformée en un arbre majestueux, la Casta Nea ou la chaste Néa, dont les fruits garnis de piquants symbolisent cette  aventure. Cela ne relève que du jeu de mots.

Le nom chastenier apparaît en 1100, il devient chastenier en 1165, voire castegnier en normand. La forme chastaignier date du XVIe s., elle est influencée par le nom du fruit. La forme sans chuintante se retrouve en picard dans la cataigne ou castaine. La forme anglaise du nom n'est pas issue de l'anglo-normand, mais est un emprunt direct à l'ancien français. Le nom du fruit est un peu plus tardif en français, chastaigne vers 1180.  Cependant, on peut noter que le nom a été dès cette époque employé comme adjectif afin de désigner une couleur entre le brun et le blond. Relevons encore que châtain est postérieur (fin XVe s.), il dérive de chastaigne. Un de ses noms métaphoriques, très présent dans le Midi, est l'arbre à pain car la châtaigne donnait une farine dans ces régions pauvres. Cela ne doit pas être confondu avec l'arbre exotique.

L'orthographe du nom de l'arbre est une des singularités du français. C'est l'un des seuls mots avec quincaillier ou marguillier qui présente un i superfétatoire. Le digramme gn note en effet la mouillure ou le yod, mais le suffixe -ier rappelle la dérivation comme dans pommier, cerisier, abricotier. On peut remarquer aussi que la diphtongue ai est issue de la palatalisation du n, avec développement d'un yod par anticipation. Normalement, cette diphtongue aurait dû se réduire en a et non en e, comme dans montagne et Montaigne ou champagne et Champaigne, fagne et Faignes. Cependant, la conservation du premier i apparaît comme un souci étymologique et la graphie a influencé la prononciation.

Le nom latin se retrouve naturellement dans les langues romanes : provençal castanha, castagna ; catalan castanya ; espagnol castaña ; portugais castanha. Notons que les castagnettes (cascanettes 1585, castaignettes 1606, castagnettes 1607) sont empruntées à l'espagnol castañetas (1571), l'instrument de musique était fabriqué en bois de châtaignier. L'apparition du mot témoigne de l'influence culturelle espagnole de l'époque.

Le latin influence aussi d'autres langues, le basque gaztaina, le breton kistin. L'allemand Kastanie est une réfection sur le latin, elle ne doit rien à l'ancien germanique kestina, tout comme la forme castania scandinave, ou l'anglais chestnut différent du cisten en vieil anglais. Le polonais kasztan, le russe kasthanu sont des emprunts au latin. En revanche, le hongrois gesztenye est probablement passé par le biais de l'allemand.

L'anglais chestnut (littéralement noix de châtaigne) a d'abord été chesten nut avant d'être contracté. Il était en moyen anglais chesten, et antérieurement chestein, chesten, chastein, chesteine, chasteine. Le nom est bien un emprunt à l'ancien français qui a éliminé l'anglo-saxon cisten, lui-même issu probablement d'un intermédiaire celte. Le nom anglais du fruit n'était plus très compréhensible

La châtaigne désigne encore :
– châtaigne d'eau, la macre (1561) ;
– châtaigne de mer, l'oursin (1564), par analogie avec la bogue ;
– châtaigne de cheval, le fruit du marronnier d'Inde ;
– châtaigne,  une petite plaque de corne située, chez le cheval, à la partie inférieure et interne de l'avant-bras.
Le rapport entre la châtaigne et le cheval est plus développé dans la page consacrée au marron.
Le langage familier emploie le mot châtaigne pour désigner un coup, c'est un usage qui remonte loin, le mot voulait dire « coup sur les doigts » dès 1635. Le terme est en concurrence avec marron. On peut remarquer que la castagne méridionale provient de là aussi. Cette expression apparaît vers 1910, d'abord comme un vol manqué, puis comme un coup de poing par métaphore, une rixe ensuite par métonymie. L'idée d'échec a été remplacée par celle de la violence.  

Le proverbe tirer les marrons du feu était initialement tirer les châtaignes du feu (XVIe s.). Il y avait confusion entre les deux noms avant l'apparition du marron d'Inde. L'expression est d'ailleurs souvent comprise à contresens. C'est développé dans une page particulière.

Il ne trouve pas qui lui pare les châtaignes : ne pas trouver un bon accueil.
Peler les châtaignes à quelqu'un, c'était mentir ou jouer un tour à un naïf. La châtaigne ne se pèle pas.
Le poêle à châtaigne, c'est un visage marqué par la variole, par analogie avec le poêle sur lequel on fait cuire les marrons, faisant apparaître des trous rouges.


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