La jacinthe, l'hyacinthe



L'origine du mot est à la fois claire et obscure : elle se trouve dans le nom du Lacédémonien Huakinthos qui était aimé d'Apollon. Comme le dieu l'avait tué lors d'une partie de disque, son sang donna naissance à une fleur. Cependant, le nom d'Huakinthos n'est pas indoeuropéen et l'on suppose qu'il s'agissait d'une divinité antérieure.

Le nom est passé en latin sous les formes hyacinthos et hyacinthus. Il était masculin alors, conformément à sa déclinaison et à son origine. Dès le début, le terme désigne à la fois une fleur – sans doute le lis martagon ou d'autres fleurs à bulbe – et par analogie de couleur une pierre précieuse, l'émeraude ou l'aigue marine. Cependant, l'indécision à propos du sens des noms de couleur a fait que les pierres ainsi désignées sont tantôt bleues, tantôt rouges, et parfois jaunes à reflets rouges.
 

L'hyacinthe

Le mot tel qu'il apparaît ainsi est une variante semi-savante d'une jacinthe plus ancienne. Il s'agit d'une réfection étymologique de la Renaissance sous la forme hiacinte en 1523.

Les graphies sont fort variées et changeantes : iacinthe (1549), hyacinthe, hyacinte (1694), hyacinthe, hyacynthe (1718),  hyacinthe (1740), hyacinthe, hiacinthe (1762), hyacinthe (1798).

Richelet en 1680 a tenté de réserver la graphie jacinthe à la fleur seulement, hiacinthe désignant à la fois la fleur et la pierre. L'Académie reprend cette opposition en 1762 avec jacinthe (en vedette principale) ou hiacinthe comme fleur et hyacinthe comme pierre.

La forme hyacinthe est préférée pour désigner la pierre, une sorte de rubis, à partir de 1835. Or il s'agit de l'entrée principale, la forme jacinthe pour la pierre figure seulement en variante tolérée et ce depuis 1935.

Le Petit Robert et le Petit Larousse indiquent que le nom hyacinthe pour la fleur est une variante vieillie.

Faut-il faire l'élision pour l'hyacinthe ? Olivier de Serres ne l'a fait pas au XVIe s. : « Des confections d'alkermès et de hyacinthe ». Mais c'est le parti de Ronsard : « Ses bors soient pour jamais d'hyacintes semez ». Le mieux est de faire l'élision : les mots d'origine grecque n'avaient pas de h consonne en latin et, sauf exceptions notables, ces mots français suivent les règles latines.

Quel est encore le genre de l'hyacinthe ? Tous ou presque la font féminine comme la jacinthe, par exemple Chénier : « Et le sang d'Adonis et la blanche hyacinthe ». Mais Littré se singularise en la faisant masculine conformément à son origine latine. Elle est encore masculine dans le langage poétique, mais c'est rare.
 

La jacinthe

Le mot apparaît en français en 1080 sous la forme jacunce, puis il est jargunce au XIIe s., jaconce au XIIIe s. et ce dernier terme vivra encore jusqu'au XIXe s. Et aussi : jacinthe, jacincte (XIIe s.)

L'histoire devient compliquée à cet endroit : le mot n'est pas issu directement du latin, mais il est une sorte de nouvel emprunt par un autre intermédiaire. Il était passé du grec à l'arabe syrien et il désignait alors une pierre précieuse. Il s'est rapporté ensuite aux fleurs par analogie de couleur et par rappel de l'origine du mot.

Le passage par l'arabe introduit une déformation du fait de la gutturale : la production d'un r que l'on retrouvera dans jargon et dans zircon.

Un autre point concerne la valeur des lettres : le h latin n'était guère pris en compte en ancien français, le i long initial pouvait avoir la forme d'un j ou d'un y, les prononciations de cette lettre hésitaient entre la voyelle et la consonne. C'est ainsi que l'on a Jérusalem, Jérôme (ou Hieronymus, anciennement aussi Gérome comme le peintre), ou en italien gerarchìa et geroflìcò pour hiérarchie et hiéroglyphe. La modification de l'initiale grecque en italien est cependant plus systématique et plus ancienne qu'en français. Ménage protestait en 1675 contre les prononciations Gérico, jonique, jérarchie. Il visait sans doute aussi une mode italienne à Paris. Mais il déclarait également que l'on devait dire saint Jacinthe et hyacinthe pour la fleur, comprenne qui pourra !

Notre iacinthe devient donc fréquemment une jacinthe en l'absence d'un j consonne clairement distinct d'un i voyelle. Le fait est général dans les langues romanes : occitan jacint, espagnol et portugais jacinto, italien giacinto. Dans tous les cas, la valeur des lettres initiales modifie la prononciation. L'anglais fait bande à part avec hyacinth sur le latin, tout comme l'allemand Hyazinthe, le néerlandais hyacint.

Cette jacinthe s'est trouvée sous les formes iacinthe (1549), jacynthe, jacinte, jacinthe (1694), jacinthe, jacynthe (1718), jacinthe, jacinte (1762),  jacinthe (1835). Autant dire que le rappel étymologique a sérieusement compliqué la graphie du mot et que l'on a fini par ne plus garder qu'un h dont on se demande ce qu'il vient faire là encore.

Le passage du masculin au féminin s'est fait en français classique lorsque l'on a distingué les prénoms Hyacinthe et Jacinthe, le premier restant le plus souvent masculin à cause du saint. Toutefois, la terminaison avec un e caduc a entraîné l'analogie avec les autres noms féminins, d'autant plus qu'il s'agissait par métonymie d'un nom de fleur, de pierre ou de couleur.
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Le jargon

Il ne s'agit pas d'un langage, mais d'un nom de pierre. Le terme apparaît en 1723 et il est emprunté au nom masculin italien giargone, « sorte de diamant ». Ce mot possède la même origine que le « jargunce » qui en ancien français se rapportait à une pierre : l'italien l'a pris à l'arabe qui l'avait pris au grec qui... Le terme se rapporte à des cristaux donnés comme des hyacinthes.
 

Le zircon

Ce mot est attesté d'abord en allemand en 1783 et en français en 1790. Il est sans doute emprunté lui aussi à l'arabe, mais à partir de la forme zarkun. Il se rapporte également à des minerais et il est en compétition avec jargon.
 

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