Tirer les marrons du feu


L'expression a été rendue célèbre par la fable de La Fontaine en 1671, à la cinquième place du Livre IX.

Le singe et le chat

Bertrand avec Raton, l'un singe et l'autre chat,
Commensaux d'un logis, avaient un commun maître.
D'animaux malfaisants c'était un très bon plat :
Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage :
Bertrand dérobait tout ; Raton, de son côté,
Était moins attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons.
Les escroquer était une très bonne affaire ;
Nos galands y voyaient double profit à faire :
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.
Bertrand dit à Raton : « Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître,
Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes, marrons verraient beau jeu. »
Aussitôt fait que dit : Raton, avec sa patte,
D'une manière délicate,
Écarte un peu la cendre, et retire les doigts ;
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque :
Et cependant Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens. Raton
N'était pas content, ce dit-on.
Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes
Qui, flattés d'un pareil emploi,
Vont s'échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi.

La source peut être les Jours caniculaires (1588) de Simon Maioli, les Contes et Discours d'Eutrapel par 
Noël du Fail (1610) ou Apologi Phædrii de Régnier (1643). Dans les trois cas, le singe se sert de la patte
du chat afin de prendre les marrons dans le feu. Toutefois, il agit alors par force et non par persuasion
comme chez La Fontaine.

Molière a utilisé l'expression plus tôt dans l'Étourdi (1653), acte III, scène 5. Elle a alors le sens d'agir
de manière masquée, par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre qui passera pour le seul responsable. Cest le
sens dans les Curiosités françaises d'Oudin (1640) : « Tirer les marrons du feu avec la patte du chat,
“se tirer d'un danger ou d'un dommage par le moyen d'une autre personne.” »


Il faut, il faut tirer à nous ce que d'heureux
Pourrait avoir en soi ce projet amoureux,
Et par une surprise adroite, et non commune,
Sans courir le danger en tenter la fortune :
Si je vais me masquer pour devancer ses pas,
Léandre assurément ne nous bravera pas ;
Et là premier que lui, si nous faisons la prise,
Il aura fait pour nous les frais de l'entreprise ;
Puisque par son dessein déjà presque éventé,
Le soupçon tombera toujours de son côté,
Et que nous à couvert de toutes ses poursuites,
De ce coup hasardeux ne craindrons point les suites ;
C'est ne se point commettre à faire de l'éclat,
Et tirer les marrons de la patte du chat.


Le raccourcissement de tirer les marrons du feu avec la patte du chat en tirer les marrons du feu, puis tirer les marrons a conduit à une confusion : le chat était l'agent et non le bénéficiaire, dans l'expression
moderne l'agent et le bénéficiaire sont confondus.

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