La
muscade
La muscade était inconnue dans l'Antiquité, elle est
venue en Europe à la suite des croisades et du commerce avec les
Arabes au XII
e s. Le nom
nois
muscada ou « noix musquée » vient de l'ancien
provençal, ce qui montre le chemin de l'épice. Ce terme
à peine francisé s'est conservé sans
altération du fait de la rareté du condiment.
Le musc lui-même provient du bas-latin
muscus (IV
e s.) pour
désigner un cervidé mâle par métonymie
à partir de la glande qui sécrète un parfum. On le
nomme aujourd'hui
porte-musc ou
chevrotain porte-musc (
Moschus
moschiferus). Le terme est issu du grec comme
intermédiaire,
moskhos.
Le mot est passé en provençal
musc, espagnol
musco italien
musco, muschio, portugais
almiscar
avec agglutination de l'article arabe de almosk. Plus
anciennement, le mot provient du persan mosq et du sanskrit
mushka, « testicule ».
La glande en question n'est pas un testicule, elle est abdominale, mais
cela apparente métaphoriquement le mot
muscade à l'orchidée.
Il existe ensuite en français trois types de métaphores,
la première est construite à partir de la couleur brune
de la sécrétion animale du musc et elle donne par exemple
la couleur de musc, le drap musc le musc végétal et
l'herbe au musc. La seconde se fonde sur le parfum, on la trouve dans
la peau de musc, le rat musqué, le
gros musc ou poire, le musc artificiel, le musc indigène, la
muscadelle ou autre poire,
le
raisin muscat, la muscadine
québécoise et le
moscatel espagnol qui sont d'autres muscats. C'est cette
métaphore qui se trouve dans la muscade. Enfin, par extension,
le musc désigne ce qui est artificiel, affecté, sans
fondement.
L'italien a utilisé le mot moscardino au XVI
e s. pour
une pastille parfumée, puis pour une personne. Ce mot est venu
en français par le biais de la mode italianisante à la
Renaissance, le
muscadin
(1616) était d'abord un moschardin ou petit-maître, petit
marquis. Le terme figure de manière péjorative chez
d'Aubigné. Il est redevenu à la mode sous la
Révolution afin de désigner les thermidoriens et
royalistes qui affectaient des manières élégantes
et il est alors synonyme d'incroyable, mais de manière plus
politique.
La muscade a fourni de nombreux dérivés comme le
muscadier ou arbre à muscade, le muscadet comme vin
musqué à partir d'une formation provençal.
On la trouve encore dans l'expression familière Passez, muscade
! ou le tour est joué pour signifier la réussite
d'une opération exécutée prestement et sans qu'on
s'en soit aperçu. Ici, la muscade désigne, par analogie
de forme, la petite boule de liège dont les escamoteurs se
servent dans leurs tours (1701). Il y aurait eu déformation
entre
partez muscade ! (1798)
et
passez muscade ! lequel ne
devient figuré qu'en 1906. Cela devient synonyme d'aisance, de
désinvolture, et la phrase ne s'adresse plus à un
destinataire précis, c'est une locution interjective
coupée de toute situation d'énonciation.
L'anglais n'a pas repris la muscade, mais une noix de musc (
nutmeg). En revanche, le
néerlandais et l'allemand ont emprunté directement au
français :
muskaat et
Muskatnuß (noix muscade).
C'est le mot latinisé qui se trouve encore en portugais
noz-moscada, en espagnol
moscada, en portugais
noce moscata.
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