L'olive
Le latin employait le mot oliva pour désigner à la fois l'arbre et le fruit. Il possédait aussi un autre mot olea. Ce doublet s'explique par deux emprunts différents au grec. Le mot oliva vient de eleiFa, un dialecte grec notait encore par la lettre archaïque digamma un phonème proche de w. Le mot olea vient de elaia, terme qui existe encore en grec moderne. Le grec lui-même avait emprunté ce mot à une langue méditerranéenne d'une population précédente, comme pour la plupart des noms d'arbres méridionaux. De même, l'arménien a emprunté à cette langue ewl. La forme avec le digamma est donc plus ancienne ou plus archaïsante.
L'olive étant le fruit destiné à fabriquer de l'huile, ce produit tire son nom de là : le grec elaion neutre devient le latin oleum. Les dérivés de l'étymon latin sont nombreux et ne sont pas toujours reconnaissables : pétrole (l'huile de pierre), gazoil ou gazole (à partir de l'anglais). Une évidence s'impose aussi : l'huile d'olive est une forme de pléonasme qui passe inaperçue.
L'importance de l'olivier dans la culture latine se traduit par le très grand nombre de dérivés du nom du fruit ou de l'arbre : tout ce qui a trait à l'olive pouvait être nommé de manière synthétique. Nous retrouverons ce trait dans les dérivés français qui montrent une diversité d'activités ou de résultats. En latin, on avait donc :
— Sur olea : oleaceus (semblable à l'olivier), oleaginus, oleamen (formé en partie d'huile), olearis (huilé), oleaster (olivier sauvage), oleastellus (idem).
— Sur oliva : olivans (cueilleur), olivarius (en rapport à), olivastellus (olivier sauvage), olivatio (préparation de l'huile), olivetum (oliveraie), olivifer (qui produit), olivitas (olivaison), olivator (cultivateur), olivum (huile d'olive).
Plus des noms de plantes comme oleomellum, oleoselinum.En français, olive (1080) a d'abord le sens d'arbre et cela demeure jusqu'au XVIe s. ; ce sens est aujourd'hui vieilli et poétique dans rameau d'olive, jardin des Olives, montagnes des Olives. Par métonymie, c'était la branche d'olivier dans dimanche de l'Olive (dimanche des Rameaux), joindre l'olive aux lauriers (faire la paix après la victoire). Poétiquement, c'est aussi l'huile.
Depuis 1200, c'est le fruit de l'arbre. Par analogie de couleur, on parle de vert olive (1669) ou vert-olive ou simplement d'olive, de couleur olive, adjectif invariable.
Par analogie de forme, c'est un ensemble d'objets allongés et ronds :
— Un ornement comme pendentif pour des rideaux, des abat-jour (1694) ;
— un bouton de forme ovale ;
— un interrupteur de forme ovale ;
— un plomb de forme ovale pour lester les gros flotteurs ;
— un bouton de porte ou de serrure ;
— en ferronerie, un bouton, piton, de forme ovale ;
— une attache métallique reliant deux câbles en acier ;
— un noyau bulbaire en anatomie ;
— un mollusque gastéropode (1800) ;En argot, au pluriel, cela a le sens de testicules (1640) : changer l'eau des olives ou uriner (1977). Ce sont aussi les balles de revolver ou de pistolet (1955).
Les dérivés sont nombreux. L'olivier d'abord (XIIe s.) est d'abord apparu comme oliver (Xe s.), et olive existait donc en français avant cette date même sans attestation. L'olivette (1228) était d'abord un petit arbre avant de devenir un petit fruit (1611). Ce mot a ensuite pris les sens de perle fausse (1723) et de raisin de table (1829).
Les lieux sont l'olivaie (1630) d'après le provençal oliveda (1350) et oliveraie (1195, d'abord olivereie). Ce sont les plantations. L'oliverie (1290) désigne le lieu de fabrication de l'huile, ce terme a été concurrencé par huilerie. Il a aussi désigné la plantation (1350).
Les actions sont nommées : l'olivaison (1636) est la cueillette, puis par métonymie la saison de la cueillette (1660). Ce mot est concurrencé en Provence par olivade (1869) du provençal olivar, « cueillir, ramasser des olives » (1397). Ce verbe a donné aussi oliver pour « cueillir » (1874). Le cueilleur est l'oliveur ou l'oliveuse (1874).
Des adjectifs sont dérivés : olivaire du bas-latin olivarius (XVe s.) d'abord de la forme de l'olive, puis en rapport avec l'olive (1611) ; olivacé (1838) de couleur vert olive ; olivâtre (1525) de même sens.
L'espagnol emploie oliva pour le fruit, olivo pour l'arbre. Il a aussi aceituna pour le fruit. Le portugais emploie oliveira pour l'arbre, mais azeituna pour le fruit. Il s'agit d'un emprunt arabe évident visible à l'article agglutiné.
L'anglais use d'olive, d'olive-tree ou olive pour l'arbre. L'allemand a une racine tirée du français Olive (fruit), mais une autre qui vient plus directement du bas-latin Ölbeere (olive) et Ölbaum (olivier), formes à rapprocher de l'huile (Öl), de l'anglais oil. Le néerlandais procède du français comme l'anglais : olijf (olive), olijftboom (olivier).
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