Il faut remonter à une prononciation vulgaire : au singulier
*hayo (et
aussi
*hao sur
*dao de
do, verbe donner),
*has,
*hat et
*habunt (d'où *haunt en Gaule du Nord et
*hant
en Ibérie d'après
dant).
Ai
La première personne passe à *abyo (yod issu de e qui étend ensuite sa
palatalisation à la consonne), puis à
ayyo, forme contractée due à
un emploi très fréquent. En français, la chute du b devant yod est un phénomène
fréquent dans les verbes :
debeo, doi ; sapio, sai. Dans le domaine
occidental, la diphtongue issue de yod subsiste seule par amuïssement des
o finals de verbes, tandis qu'en Italie le verbe emprunte tout son radical
à
dare après un passage par
*hao. En fait, le sud de l'Italie
a aussi
aggiu issu de
habeo devenu
*abyo. Les formes
aggio, aio, abbo (de
abbio) ont existé en ancien italien, elles
montrent le passage par des formes identiques à celles des autres langues
romanes. Le roumain emprunte sa désinence au subjonctif
habeam, mais
il est possible aussi que le pluriel
am ait remplacé le singulier,
à moins qu'il ne se soit produit une influence de la forme albanaise
kam.
As
Il n'y a pas de diphtongaison d'
habes en français, cela prouve l'emploi
atone de ce verbe. Toutefois, la chute du b demeure obscure et elle s'oppose
à l'emploi atone avec maintien du s en occitan ou dans les langues ibériques.
A
L'ancien français employait aussi la forme
at. Le maintien du t
suppose qu'il s'est produit une conservation du b sous la forme d'un f au
IX
e s. Une forme comme
dift (doit) dans les Serments de
Strasbourg permet de supposer ce maintien dans
avoir (at), devoir (doit),
savoir (sait). L'ancien italien possédait
ave bien issu de
habet. La forme roumaine peut être issue de la confusion avec
are
issu de
haberet utilisé dans la périphrase du conditionnel.
Avons
En français comme en occitan, cette forme résulte d'une évolution phonétique
attendue. La forme
hemos en espagnol et
en portugais n'a commencé à concurrencer
habemos et
havemos que
depuis le XVI
e s. En roumain, la forme contracte
am est
employée dans les périphrases. L'italien a maintenu le timbre de la consonne,
de manière plus conservatrice que l'occitan.
Avez
Comme pour la personne précédente, il s'agit d'une évolution phonétique
attendue. Le verbe était accentué sur la pénultième, ce qui a provoqué la
chute de la voyelle finale en français et occitan, produisant ainsi une affriquée
ts écrite ensuite z en français. Cet accentuation a eu des effets différents
chute du t en portugais, espagnol, maintien du t en italien et roumain.
Ont
C'est la personne la plus anomale. La forme
ont en français s'explique
par la chute de b devant u avec une diphtongue au qui se réduit en o avant
de se nasaliser. Ce u est dû à l'influence analogique du verbe
être
(sunt), tout comme dans
vont (de *vadunt),
estont (verbe ester
de estunt). Cette évolution se retrouve notamment dans la forme occitane aun
qui a été conservé dans l'Albigeois, le Rourgue, l'Auvergne. Ce changement
de conjugaison a aussi entraîné les écarts que l'on observe en roumain et
en portugais. Pour l'italien la forme
hanno est concurrencée dans le
Sud par
aunu.
2 a. L'influence du verbe avoir sur les
autres verbes
Le verbe
avoir, comme le verbe
être, a eu une action analogique
sur les autres verbes de par sa fréquence d'emploi. La présence d'un yod dans
la forme *ayyo (ai) a été étendue à des verbes semi-auxiliaires très fréquents,
cela dès le latin vulgaire. C'est le cas de
être (suis), pouvoir (puis),
savoir (sai de *sapyo), devoir (dois), aller (vai), donner (doing de
*donyo, refais en
donne). Dans le cas de
savoir (sapere)
et de
devoir (debere), ce yod a produit de manière identique la chute
de la labiale intervocalique b ou p. De façon similaire, les verbes
croire
(credere) et
voir (videre) ont perdu leur dentale.
La forme avec yod a provoqué une réfection du participe présent habente
en
*ayyente, d'où ayant. Cette modification s'est étendue à voir (
vidente
refait en
*veyente),
croire (
credente devenant
*creyente).
Cette action s'est ensuite étendue aux première et deuxième personne du pluriel
de ces verbes.
Le v intervocalique normal dans
avoir (tout comme dans
devoir,
savoir) a induit un d épenthétique dans
pooir (verbe
pouvoir,
issu de
posse refait en
potere). Ce v s'est étendu à toutes
les personnes identiques au paradigme d'avoir :
poons devient
pouvons,
poez pouvez, poent peuvent, poant pouvant. Bien entendu, les personnes
4 et 5 servent de base à l'imparfait et le v intervocalique se retrouve là.
La dernière action du verbe avoir, c'est son emploi comme auxiliaire dans
la formation d'un futur périphrastique d'abord, puis synthétique.
En italien, la forme
hanno (ils ont) a donné
sanno (ils savent).
Grammairien romain intervenant
pour rétablir la prononciation correcte
du latin par les populations colonisées.
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