Avoir


1. Le latin
2. Le présent
2. a . Influence d'avoir sur les autres verbes
3. Avoir et le futur
4. Imparfait
5. subjonctif
6. Le parfait

1. Le latin

Le
verbe latin habere remonte à une racine indoeuropéenne en *gh- qui signifiait à l'origine tenir, occuper et aussi habiter, ce dernier verbe appartient d'ailleurs à la même racine IE. En latin, il est passé au sens de posséder, percevoir en soi, tenir en son pouvoir. Les verbes des racines anglaise to have et allemande Haben sont issus du même étymon IE. On possède quelques exemple de cette racine en gaulois : gabi (prends), gabas (a pris), gab(i)setu (inscription  gabxps corrigée en un subjonctif) kapiseti (interprété comme un futur qu'il prendra ou le subjonctif présent). Le thème gaulois a été reconstitué à partir du vieil irlandais gabal (prise), irlandais moderne gaimbim (je prends), vieux breton gabael (prise ), gallois gafael (tenir). La racine latine est quant à elle apparentée à l'évolution phonétique  de l'osque hafiest (aura).

Le thème  IE est extrêmement fertile, il lié à l'idée de prendre, saisir. On le retrouve donc en sanskrit sous les formes gábhastih (bras), kapatī (deux poignées), en grec kapto (happer, ce verbe étant lui-même sur le même thème via le germanique), kôpê (poignée), kapê (mangeoire). En latin, il est à l'origine des mots capere (prendre), capabilis, captivus, captura, captiosus, captare, anticipare, occupare, recuperare, accipere, acceptum, concipere, intercipere, percipere, praecipare, recipere, suscipere, municeps, princeps.

En latin archaïque, la racine d'habere a été agglutinée dans des verbes qui ont plus un sens moral que physique, contrairement à la branche précédente. Le thème en hab- et non plus en kap- se retrouve  donc dans debere (devoir), praebere (prébende), exhibere, inhibere, prohibere, redhibere.

2. Le présent



latin
roumain
espagnol
portugais
occitan
italien
 français
habeo
am
he
hei
ai (ei)
ho
ai
habes

has
hás
as
hai
as
habet
are, a
ha

a
ha
a
habemus
avém
hemos
havemos
avèm
abbiamo
avons
habetis
avéţĭ
habeis
haveis
avètz
avete
avez
habent

han
hão
an, aun
hanno
ont


Il faut remonter à une prononciation vulgaire : au singulier *hayo (et aussi *hao sur *dao de do, verbe donner), *has, *hat et *habunt (d'où *haunt en Gaule du Nord et *hant en Ibérie d'après dant).

Ai
La première personne passe à *abyo (yod issu de e qui étend ensuite sa palatalisation à la consonne), puis à ayyo, forme contractée due à un emploi très fréquent.  En français, la chute du b devant yod est un phénomène fréquent dans les verbes : debeo, doi ; sapio, sai. Dans le domaine occidental, la diphtongue issue de yod subsiste seule par amuïssement des o finals de verbes, tandis qu'en Italie le verbe emprunte tout son radical à dare après un passage par *hao. En fait, le sud de l'Italie a aussi aggiu issu de habeo devenu *abyo. Les formes aggio, aio, abbo (de abbio) ont existé en ancien italien, elles montrent le passage par des formes identiques à celles des autres langues romanes. Le roumain emprunte sa désinence au subjonctif habeam, mais il est possible aussi que le pluriel am ait remplacé le singulier, à moins qu'il ne se soit produit une influence de la forme albanaise kam.

As
Il n'y a pas de diphtongaison d'habes en français, cela prouve l'emploi atone de ce verbe. Toutefois, la chute du b demeure obscure et elle s'oppose à l'emploi atone avec maintien du s en occitan ou dans les langues ibériques.

A
L'ancien français employait aussi la forme at. Le maintien du t suppose qu'il s'est produit une conservation du b sous la forme d'un f au IXe s. Une forme comme dift (doit) dans les Serments de Strasbourg permet de supposer ce maintien dans avoir (at), devoir (doit), savoir (sait). L'ancien italien possédait ave bien issu de habet. La forme roumaine peut être issue de la confusion avec are issu de haberet utilisé dans la périphrase du conditionnel.

Avons
En français comme en occitan, cette forme résulte d'une évolution phonétique attendue. La forme hemos en espagnol et en portugais n'a commencé à concurrencer habemos et havemos que depuis le XVIe s. En roumain, la forme contracte am est employée dans les périphrases. L'italien a maintenu le timbre de la consonne, de manière plus conservatrice que l'occitan.

Avez
Comme pour la personne précédente, il s'agit d'une évolution phonétique attendue. Le verbe était accentué sur la pénultième, ce qui a provoqué la chute de la voyelle finale en français et occitan, produisant ainsi une affriquée ts écrite ensuite z en français. Cet accentuation a eu des effets différents chute du t en portugais, espagnol, maintien du t en italien et roumain.

Ont

C'est la personne la plus anomale. La forme ont en français s'explique par la chute de b devant u avec une diphtongue au qui se réduit en o avant de se nasaliser. Ce u est dû à l'influence analogique du verbe être (sunt), tout comme dans vont (de *vadunt), estont (verbe ester de estunt). Cette évolution se retrouve notamment dans la forme occitane aun qui a été conservé dans l'Albigeois, le Rourgue, l'Auvergne. Ce changement de conjugaison a aussi entraîné les écarts que l'on observe en roumain et en portugais. Pour l'italien la forme hanno est concurrencée dans le Sud par aunu.


2 a. L'influence du verbe avoir sur les autres verbes


Le verbe avoir, comme le verbe être, a eu une action analogique sur les autres verbes de par sa fréquence d'emploi. La présence d'un yod dans la forme *ayyo (ai) a été étendue à des verbes semi-auxiliaires très fréquents, cela dès le latin vulgaire. C'est le cas de être (suis), pouvoir (puis), savoir (sai de *sapyo), devoir (dois), aller (vai), donner (doing de *donyo, refais en donne). Dans le cas de savoir (sapere) et de devoir (debere), ce yod a produit de manière identique la chute de la labiale intervocalique b ou p. De façon similaire, les verbes croire (credere) et voir (videre) ont perdu leur dentale.
La forme avec yod a provoqué une réfection du participe présent habente en *ayyente, d'où ayant. Cette modification s'est étendue à voir (vidente refait en *veyente), croire (credente devenant *creyente). Cette action s'est ensuite étendue aux première et deuxième personne du pluriel de ces verbes.
Le v intervocalique normal dans avoir (tout comme dans devoir, savoir) a induit un d épenthétique dans pooir (verbe pouvoir, issu de posse refait en potere). Ce v s'est étendu à toutes les personnes identiques au paradigme d'avoir : poons devient pouvons, poez pouvez, poent peuvent, poant pouvant. Bien entendu, les personnes 4 et 5 servent de base à l'imparfait et le v intervocalique se retrouve là.
La dernière action du verbe avoir, c'est son emploi comme auxiliaire dans la formation d'un futur périphrastique d'abord, puis synthétique.

En italien, la forme hanno (ils ont) a donné sanno (ils savent).



Grammairien romain intervenant pour rétablir la prononciation correcte
du latin par les populations colonisées.


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