La lettre c


Le c a une fréquence de 3,3 % en 1947,  de 3,1 % en 2000. Il était au douzième rang, il se retrouve au treizième rang, dépassé par le p. Toutefois, il convient de remarquer que c'est la lettre la plus fréquente à l'initiale des mots.

Histoire

La lettre c latine dérive du gamma grec. Comment en est-on arrivé là ?

La lettre phénicienne gaml voulait dire « chameau », elle représente une sorte de V renversé avec la barre droite un peu plus longue, ce qui pourrait correspondre à la bosse des dromadaires. Mais rien n'est moins sûr. La lettre passe en grec et elle change d'orientation : la plus petite barre devient horizontale et elle se place désormais à droite, dans le nouveau sens de la lecture Γ. Le nom grec est un emprunt direct au phénicien.

gaml

En étrusque, puis en picénien, en osque, la lettre s'arrondit et bascule de manière à former un demi-cercle ouvert à gauche (écritures étrusque, osque sénestrogyres) ou à droite (écriture picénienne, étrusque dextrogyres). Les Étrusques ne connaissent pas l'opposition entre /k/ sourd et /g/ sonore. La lettre est donc utilisée en concurrence avec K issu de kappa et Q issu de koppa. On la réserve surtout pour les mots qui comprennent un E ou un I après cette consonne.

Les Romains utilisaient en revanche comme les Grecs, eux aussi indoeuropéens, la consonne /g/, ils auraient pu reprendre le kappa mais ils avaient hérité des habitudes étrusques et les noms pouvaient être écrits avec C et prononcés avec /g/ en latin. On attribue à Spurius Carvilius Rufa l'invention du G au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Celui-ci ajoute une barre au C étrusque issu de gamma et il crée une nouvelle lettre. Notons que le G est de ce fait la première lettre latine diacritée, bien avant l'invention du point sur le i ou des accents.

L'ordre de l'alphabet grec était le suivant : alpha, bêta, gamma. Comme le C continue la forme du gamma étrusque, il demeure à la troisième place. Mais il convient de trouver un emplacement au G, correspondant au gamma grec. On la trouve non loin. L'ordre grec était Α, Β, Γ,Δ, Ε, Ϝ (digamma, d'où F), Ζ (dzêta). La consonne /z/ ou l'affriquée /dz/ n'avait pas de correspondant en latin. Le latin ne connaissait pas la sonore grecque /z/  à l'intervocalique du fait du rhotacisme qui avait changé des /s/ sourds en /r/ (flos, floris ou les terminaisons d'infinitifs sauf dans les dérivés d'esse « être »). La lettre dzêta était donc inutile en latin. Le G nouveau genre prendra donc la place du Z, la septième position.

Les conséquences se prolongent car les Romains vont malgré tout emprunter le Z grec pour les mots étrangers au Ier s. après Jésus-Christ. Mais comme la place du dzêta est déjà prise, ils rejetteront cette lettre à la fin de l'alphabet tout comme les autres lettres grecques prises tardivement : le X issu de khi et non de xi, le Y qui avait déjà donné  le V.

On se retrouve donc avec trois lettres notant la même consonne vélaire sourde : C, K (rare en latin, fréquent en ancien français) et Q (lettre particulière en latin archaïque, mais banalisé ensuite). La situation se complique lorsque les mots contenant  /ke/, /ki/  se palatalisent, ainsi que pour /ka / à l'initiale et sans entrave. Le français passe du phonème /k/ au phonème /s/ ou au phonème /ʃ/.

On résout le problème de différentes manières. Le phonème /ʃ/ est noté ch ou sh en anglo-normand. Cela prolonge la translittération de khi grec X en latin ( par exemple dans Christ, chrestos). La notation est ancienne, constante, mais il existe des attestations où c vaut pour /ʃ/. La convention est différente en italien où c et cc suivis de e et i font /tʃ/, mais sc suivi de e ou i /ʃ/. Le h diacritique sera étendu à d'autres séquences xh (wallon), nh, lh (occitan), gh (italien, français), th (anglais). Les séquences ph, th grecquisantes sont plus anciennes.

Le c suivi de e, i, y prononcé /s/ sera maintenu pour des raisons étymologiques. Mais il faudra trouver une solution pour les autres voyelles. Ce sera fait de trois manières différentes. D'abord par l'emploi d'un e diacritique. ce e subsiste dans le mot douceâtre, mais il était présent aussi dans enfonceure, effaceure jusqu'en 1718. Il palliait l'absence de la cédille dans les casses. Il provient d'une analogie avec la séquence ge. L'apparition de la cédille à la Renaissance va effacer cet artifice comme celui qui consistait à écrire cz dans franczois, la cédille était elle-même un petit z souscrit à l'origine. Pour rétablir la vélaire, on a aussi employé le u diacritique issu de l'ancienne diphongue ue /œ/ comme dans accueil, recueil. Cela ne sera réalisé qu'à la fin du XVIIe s. Cette séquence est néanmoins rare.   

Un poème jouant sur C

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