Choir,
déchoir, échoir, méchoir
Choir
Du latin populaire cadere,
« tomber ». Le mot est resté courant jusqu'au XVIIe
s., mais chuter plus régulier l'a emporté. Paradoxe
: ce verbe chuter est issu du participe passé chu.
Néanmoins le verbe choir est resté courant aux 3es
personnes de l'indicatif et surtout à l'infinitif après
laisser.
Le verbe apparaît d'abord sous la forme cadit (980), puis à l'infinitif cheoir
(1080). Le sens de « tomber » a donné lieu à
des sens dérivés comme « encourir » (XIIIe
s.), « échoir », « aboutir à »
(XIVe s.).
Le verbe chuter (1823) est tiré du substantif chute (1360 lui-même issu de la réfection du participe passé féminin cheue, chue du latin *caduta, « fait de tomber » qui avait donné aussi le substantif cheoite.
Le substantif chance, d'abord cheance (1175), provient lui du participe présent cheant. On voit le rapport entre ce qui arrive, ce qui tombe, donc le sort considéré ensuite comme heureux.
Indicatif
Présent |
Passé simple
|
Futur simple
|
je chois
tu chois
il, elle choit
inusité
inusité
ils, elles choient
|
je chus
tu chus
il, elle chut
nous chûmes
vous chûtes
ils, elles churent |
je choirrai, je cherrai
tu choirras, tu cherras
il,elle choirra ; il, elle cherra
nous choirrons, nous cherrons
vous choirrez, vous cherrez
ils, elles choirront ; ils, elles cherront |
Le futur simple construit
sur un radical en -e est inusité. Sa forme la plus connue
est celle du conte de Perrault : « Tire la bobinette, et la chevillette
cherra ». Aux temps composés, choir se construit avec l'auxiliaire
être : il est chu.
Bossuet a dit : « Cet
insolent [le démon], qui avait osé attenter sur le trône
de son créateur, frappé d'un coup de foudre, chut du ciel
en terre, plein de rage et de désespoir. ». Le passé
simple ne semble pas anormal.
Subjonctif imparfait |
Conditionnel présent |
il, elle chût |
je choirrais, tu cherrais
tu choirrais, tu cherrais
il, elle choirrais ; il, elle cherrais
nous choirrions, nous cherrions
vous choirriez, vous cherriez
ils, elles choirraient ; ils, elles cherraient |
Les formes d'ancien français
Le verbe latin cado est devenu *cadeo. L'ancien français cheoir, en deux syllabes, vient de cadēre, 2e conjugaison, au lieu de la vraie conjugaison latine cádĕre. La forme attendue aurait été chedre
par syncope du /e/ atone, au lieu de quoi la désinence
diphtongue lorsqu'elle se trouve en contact avec la voyelle du radical
après la syncope du /d/ non appuyé /kaere/.
Il existe en ancien français des formes sans chuintante ou avec maintien du /a/. C'est le cas des formes
normandes : « Charles verrat
son grant orguil cadeir » (Chanson de Roland). Mais le même
texte présente aussi des formes avec chuintante « Faut lui
li cuer, si [il] est chaeit avant. » Et d'autres qui offrent une
diphtongaison : «
Que il [l'arc] me chedet [tombe, au subjonctif], com fist à
Guenelon. » L'application de la loi de Bartsch est attendue.
Les formes attendues avec diphtongaison sont donc : chié, chiez; chiet, cheons, cheez, cheent.
Toutefois, elles ne sont pas les plus répandues. La
simplification de la diphongaison intervient à la Renaissance :
« Quand quelqu'un chet du haut en bas d'une breche. » (Paré). La conjugaison avec e est encore employée au XIXe s.
La conjugaison avec oi provient d'une réfection du radical sur le modèle de voir comme pour seoir (de sedere) qui a suivi une évolution similaire. Cela intervient à la Renaissance. Le radical en e se maintient toutefois au futur.
Le passé simple ne remonte pas au latin classique à redoublement cecidi, mais d'une part à la déformation analogique de l'infinitif cacidi qui donne chaï, cheï chez Chrétien de Troyes, d'autre part à une forme *cadui analogique d'autres passés simples comme habui, fui. L'ensemble du paradigme suit alors une conjugaison similaire de celle des verbes avoir, devoir. La conjugaison est chui, cheüs, cheut, cheümes, cheüstes, cheurent. La simplication du radical disyllabique et monosyllabique intervient à la Renaissance.
Voir déchoir, échoir, méchoir
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