Conclu, exclu, inclus, occlus, perclus, reclus
Pourquoi ces participes ont-ils des terminaisons différentes ?
La famille des verbes en -clure est légèrement
différente de la famille des verbes en -clore. Pourtant, toutes
deux remontent au même radical latin, le verbe latin claudere,
« fermer ». La famille en -clore est de formation
populaire, la famille en -clure plus savante a été
maltraitée. Les composés de claudere
étaient en -cludere. Leurs participes en -clusus engendraient
des dérivés en -clusio. Cependant, c'est compter sans les
hasards du français.
Conclure, conclu
Concludere, « fermer ensemble, fermer complètement » à partir de cum
et claudere, donne conclure ; conclusio donne conclusion. Le sens
figuré existait en latin : « finir, donner une conclusion
» d'où « déduire, résoudre ».
Le verbe français (1120 par emprunt direct au latin) ne subit
guère de changements, sauf pour l'infinitif en 1762 comme pour
les verbes de la même famille : conclurre devient conclure.
On observe quatre graphies historiques de participe passé :
conclus (au XIIIe s.), conclu (XIVe s.), conclud (par analogie avec nud de nudus, mais surtout avec l'infinitif latin concludere, conclucte (barbarisme par analogie avec d'autres participes ou affaiblissement du d). On peut en déduire qu'il y a eu une tentative de rattacher le terme au latin, mais en oubliant le participe latin (conclusus).
– Conclus : Qant ge l'oi fait dou tot conclus,
Ge m'en parti, il n'i ot plus. (Roman de Renart).
– Conclu : Nous en avons conclu par raison. (Oresme).
– Conclud : Les capitaines des Thebains ayans desja conclud de se retirer (Amyot).
– Conclucte : Et tout en l'instant la paix fus conclucte et arrestée par sa dicte majesté.
Furetière use indifféremment de conclu et de conclud
« C'est un argument en forme qui conclud bien. on peut conclurre
certainement de ces principes que... » Toutefois, la graphie avec
d a préparé la chute d'un s puisque cette lettre était muette et de rôle étymologique.
Exclure, exclu
Excludere, « enfermer dehors, ne pas laisser entrer », selon l'usage familer, donne exclure
; exclusio donne exclusion. L'(aqua) exclusa est « l'eau séparée du
courant par des vannes fermées » qui a donné en français le nom écluse. Le verbe (XIVe s.) est une réfection de esclore (XIIIe s.) à partir du latin.
Jusqu'au XVIIIe s., on admettait l'orth. exclus, use :
Ce fut beaucoup de déplaisir
à Psyché de se voir excluse d'un asile où elle
aurait cru être mieux venue qu'en pas un autre qui fût au
monde, (La Fontaine, Psyché).
Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je excluse ? (Racine, Bajazet, III, 3).
Quelques auteurs contemporains comme Péguy emploient encore cette forme. Exclu, -ue et exclus, -use sont également admis en 1798 par l'Académie, mais exclus est la seule graphie avant 1798 depuis le XVIe s. En 1835, exclu élimine la graphie ancienne avec -s.
Le dictionnaire de l'Académie de 1798 a procédé
à des modernisations plus poussées que les autres. On
peut supposer que l'influence de conclure a joué sur exclure.
Inclure, inclus
Includere, « enfermer », donne inclure ; inclusio a donné inclusion.
Il existe quelques attestations modernes littéraires en inclu, inclue chez Gilson et Brasillach.
En fait, l'adjectif précède le verbe en français. L'emprunt savant inclus à partir d'inclusus (1394) précède le verbe qui lui date de la fin du XVIe s. Une forme enclus a même existé à la fin du XIIe
s. On est ensuite passé du sens d'être compris dans
à celui abstrait d'impliquer, de prendre en soi. Le verbe est
rare jusqu'au XIXe s. et cela explique sans doute la
préservation de la terminaison du participe. Le verbe devient
plus fréquent avec le sens d'insérer à cette
époque.
Occlure, perclus
Occludere de ob « devant » et claudere. Le verbe (1440) est rare jusqu'au XIXe s. Le participe passé ne devient adjectif qu'en 1903 sous l'influence d'occlusion (1808) et d'occlusif (1876).
Perclus
Enfin perclus remonte à perclusus, qui semble avoir été
inventé par les médecins du Moyen Âge pour qualifier un malade dont
divers vaisseaux étaient obstrués, ce qui naturellement le rendait
impotent.
Ce participe remonte à percludere « obstruer ». Il est attesté en 1420 à partir du latin, mais ses dérivés perclore (XIXe s.), percluser (XVIe s.) n'ont pas vécu. Voilà donc un participe sans infinitif !
Reclure, reclus
Littré note :
Voltaire
a dit au féminin reclues, suivant en cela la conjugaison de
conclure : Aussitôt de nos trois reclues Chaque membre se
raccourcit, Dimanche.
Ce verbe ancien (fin Xe s.) a donné un substantif au Xe
s. et le participe passé adjectivé en 1160. Le snes
médiéval ne correspond pas au latin car on est
passé d'ouvrir (re, indique le mouvement contraire à celui de claudere)
à enfermer par une réinterprétation du
préfixe comme ayant le sens de la répétition ou de
l'intensité, donc du renforcement de l'action. Le verbe
possédait un doublet reclore (XIIe s.) d'origine populaire, mais les deux sont sortis de l'usage au XVIe s. Le verbe a été victime de la désuétude et de la complixité de clore, du caractère savant des verbes en -clure et de la concurrence de renfermer.
LeJparticipe substantivé (un reclus, une recluse) demeure
littéraire et des dérivés nombreux ont
existé : reclusage, recluserie, récluserie, reclusion, réclusion, reclusionnaire.
Le premier terme attaqué, c'est conclure, dès le XIVe
s. C'est entériné par les premiers dictionnaires. La
finale n'est plus prononcée. Le deuxième, c'est exclu au
XVIIIe s. Il y a des hésitations pour les autres termes (cf. reclue chez Voltaire). Perclus et occlus
sont rares et scientifiques, ils se maintiennent mieux. Reclus subit le
reflux de la pratique religieuse solitaire et il n'est plus
guère employé à l'époque moderne. Or c'est
à cette époque que les s
finals s'amuïssent. L'absurdité vient en 1798 avec un seul
changement de terminaison, on entérine la prononciation courante
d'exclure, mais on oublie celle d'inclure tout simplement parce que le terme n'était pas revenu dans l'usage.