Le verbe faire

Le latin

Le verbe faire se rattache à une racine indoeuropéenn *dhe « placer » que l'on retrouve dans le grec tithenai « poser », radical qui donne thèse, thème, -thèque (boîte d'où bibliothèque, apothicaire et boutique). En latin, le verbe a d'abord le sens de placer l'objet d'un sacrifice (sacrum facere), puis d'accomplir ce sacrifice, et le sens de poser a été pris par le verbe ponere.

Il existe en latin plusieurs radicaux selon les constructions ou les temps : fac-io, fec-i, con-fic-io,  con-fec-tus. Il s'agit de l'évolution du latin à partir d'une voyelle E suivie d'une consonne laryngale  H1 qui aboutit à la forme en e long d'une part, d'une laryngale H1 seule dans l'autre cas, d'où la forme en fac-. Le même thème, *dhH1 conduit non plus à une initiale f, mais à une dentale d dans le verbe condere (placer ensemble, fonder) à partir d'un intermédiaire *condase. L'alternance vocalique se retrouverait aussi dans le mot sacerdotem (sacer-do-t-em), celui qui place les offrandes sur l'autel.

Il existe donc dès le latin plusieurs bases qui vont diverger :
facere : facilis (difficilis), facies (superficies), factum, factio, factor ;
— affectare, affection, conficere, efficere, perficere, sufficere, praeficare  ;
— artifex, artificium, aedificium, officium, beneficium, maleficium, amplif icare, sacrificare.
Le rapport entre tous les mots issus de ces étymons n'est plus forcément perceptible, mais il a pu y avoir réfection (mot de la famille de faire) comme dans méfait, forfait, parfait. Dans d'autres mots, le radical se résume à deux lettres : suffire, confire, préfet. Parfois, le mot d'origine disparaît : usine vient d'officina.

L'infinitif latin vient de faci-se où la désinence a subi le rhotacisme à l'intervocalique ouvrant ainsi le i en e bref.

Le présent
 

 

latin,
facere
ancien 
français
français occitan italien, 
fare
espagnol,
hacer
portugais,
fazer
facio faz fais fau fo hago faço
facis fais fais fas fai haces faces
facit fait fait fa fa hace face
facimus faimes faisons fasèm facciamo hacemos facemos
facitis faites faites fasètz fate hacéis faceis
faciunt font font fan fanno hacen facem

Facere
 

La forme de l'infinitif tout comme les formes du présent ont pu être contractées très tôt dans la langue populaire qui a utilisé *fare et des conjugaisons sans le c. C'est ce qui permet d'expliquer notamment les conjugaisons de l'italien (1, 2, 3, 6). Cela permet également de fournir une explication sur la formation des futurs dans la plupart des langues romanes. Il semble qu'une analogie a été faite avec le verbe donner, do,das, dare. Toutefois, je traiterai le cas de la base de l'infinitif avec le futur.

Faz

En ancien français, les désinences des verbes en -kio et en -tio se palatalisent en une affriquée ts, par l'étape gy, ty. Elle se réduit ensuite en z ou s. C'est le cas de plaz (placeo), taz (taceo), haz (*hateo, taisir ou taire), senz (sentio), menz (mentio). En ancien picard, cela a évolué en -ch : fach comme plach, hach.

Toutefois, comme pour l'italien, la forme abrégée *fare a été utilisée en occitan. La désinence -u est l'évolution de la marque -o, qui en italien s'est assimilée au radical sous l'influence de do (je donne). Un vulgaire *dao a d'ailleurs été utilisé, ce qui laisse supposer un *fao en occitan. L'italien connaît toutefois une forme faccio régionale qui montre que cet abrégement n'a pas été général. Les autres langues conservent l'occlusive, mais le cas de l'espagnol est à part : il faut partir du vulgaire *faco sans le yod issu de e. On retrouve cette forme par le roumain fac . Il y a eu palatalisation en français, portugais, romanche (fets).

L'évolution de cette personne en moyen français procède d'une réfection analogique. La forme est bien entendu empruntée aux 2e et 3e personne du singulier, mais celles-ci sont elles-mêmes tirées d'une autre analogie. La terminaison en -ais apparaît en même temps que celles de plais, hais, tais. Tous ces verbes appartiennent au même sous-ensemble. Cela influencera l'évolution de je vas en je vais, concommitamment à l'influence de j'ai.



Fais, fait

Contrairement à ce que l'on pourrait s'imaginer, ces deux formes sont déjà analogiques en ancien français. On aurait dû obtenir *faiz et *faist. Le problème est identique à celui de dire et de duire. Les formes du pluriel seraient elles aussi analogiques. Que s'est-il passé ? On s'est servi de de l'infinitif.

En occitan, la forme rejoint celle de das latin (tu donnes). En italien, on a un mélange entre *fas et facis. Dans les deux cas, la désinence -t de troisième personne disparaît, mais c'est un cas général, sauf dans la France du Nord où il s'est maintenu plus longtemps, sans doute par influence germanique.

Faimes, faites

Je ne veux pas traiter ces personnes dans la même page car elles soulèvent beaucoup de difficultés, c'est pourquoi je préfère leur réserver une page en parallèle à dimes et distes (ou disons, dîtes), sommes et estes.

Font

La formation en ancien français repose sur l'effacement de k intervocalique devant u. Il faut supposer la forme vulgaire *facunt pour faciunt, contrairement aux personnes précédentes. De *facunt on passe à *faunt avec accentuation sur a qui forme une diphtongue au, laquelle se simplifie en o à date prélittéraire, puis se nasalise avant le XIIe s. L'évolution est similaire à celle de *vadunt > vont, *habunt > ont. Mais elle n'est pas comparable à celle de sunt > sont.

En occitan, la forme fan est similaire à an (ils ont), mais aussi à aman (ils aiment). L'évolution aurait dû conduire à une forme en -on comme son (ils sont) ou devon (ils doivent). Il y a donc eu une réfection analogique. En italien, on passe par une étape intermédiaire *fant calquée sur dant (ils donnent). La terminaision en -anno est analogique de hanno (ils ont) et sanno (ils savent). Dans la péninsule ibérique, la réfection s'est faite sur les verbes en -ere, *facent, à partir des autres personnes.
 


Sans utiliser le verbe faire et en quelques lignes, décris la scène que tu vois
et traduis les paroles des personnages.

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