Le mot-valise
Définition et origine
Des exemples pour voir plus clair
Mais qu'est-ce que donc le mot-valise ?
La reconnaissance arrive !

Définition et origine
Les mots composés par télescopage réunissent la tête d'un mot et la queue d'un autre. Ils sont nommés mots-valises ou mots-portemanteaux. On amalgame deux mots sur la base d'une homophonie partielle, de sorte que chacun conserve la plus grande partie de sa physionomie lexicale d'origine. Synonymes : collage verbal, emboîtement lexical, amalgame, mot-centaure.

Il existe des mots-valises anciens comme calfeutrer : 1540 ; calefetrer 1382 ; altération de calfater, d'après feutre. Le procédé est antérieur au nom.

Pourquoi le « mot-valise » ? C'est la traduction de l'anglais portmanteau-word, qui est une création de Lewis Carroll. L'anglais emploie le mot portmanteau au sens de « valise, sac contenant des bagages ». C'est un emprunt à un sens vieilli du mot français équivalent.
B. 1. Vieilli. Sac permettant de transporter des vêtements avec soi. Les voyageurs, sitôt leurs valises et leurs portemanteaux installés sur et sous les bancs, passèrent cette revue du bateau à laquelle on ne manque jamais (Hugo, Travaill. mer, 1866, p.193). Dans les mêmes parages, un voyageur avait disparu. On avait retrouvé son portemanteau éventré sur la route (Pourrat, Gaspard, 1922, p.192).
En partic. Sac cylindrique s'attachant à la selle, dans lequel le
cavalier transporte des effets.
(Trésor de la langue française.)




Des exemples pour voir plus clair
Voici des exemples ordinaires de mots-valises.

Célibattante : célibataire et battante. Le terme repose sur un jeu de mots comme beurgeois ou franglais. Même si le terme appartient à une pseudo-sociologie d'origine journalistique fort en vogue dans les news-magazines et les revues féminines, il est parlant.

Franglais (création d'Étiemble) :� français et anglais. Il existe sur le même modèle le Spanglish (espagnol à la mode anglaise) et le Denglish (l'allemand ou Deutsch à la sauce anglaise). Le terme a été une réussite : quarante ans plus tard, il est encore plus d'actualité et il a fait des petits dans les autres langues, hélas ! avec comme base l'anglais surtout... Néanmoins, distinguons-le du collage Françafrique qui désigne le pré carré de la diplomatie française, ce terme n'est pas un mot valise malgré la voyelle a qui sert de jointure.

Informatique : information et automatique. La terminaison -tique a pu ensuite devenir autonome et constituer un nouveau suffixe, par exemple dans bureautique, signalétique. Le lien avec l'adjectif automatique peut être encore fort comme dans robotique, ou faible comme dans billetique qui se raccorde plus à signalétique, pour indiquer tout ce qui est en rapport avec la notion du radical comme c'est le cas du suffixe -ique.

Motel : motor et hotel, en anglais. Le motel s'écrit sans accent du fait de son origine.

Partagiciel : partage et logiciel. La terminaison de logiciel a donné deux nouveaux suffixes dans gratuiciel et dans progiciel (du nom programme et pas du nom professionnel). Le terme logiciel est issu d'une opposition avec matériel. Le matériel est le hardware, le logiciel le software. Le suffixe -el était déjà un doublet populaire du suffixe -al (superficiel, superficialité ; matériel, matérialité, matériau), mais il a acquis un nouveau sens avec le mot électronique (courriel, adèle) ou il est devenu autonome sous de nouvelles formes (carticiel ou contribuciel avec le suffixe -ciel). La limite entre dérivation (parfois avec de nouveaux suffixes), composition et mot-valise devient alors souvent floue. On a même vu micrologiel comme traduction de firmware (microprogramme).

Pourriel : pourri et courriel. Le mot courriel n'est pas pour sa part un mot-valise, il est dérivé du suffixe -el pour « électronique » dans « courrier électronique ». Ce dernier mot est construit à l'aide d'une apocope et d'une resuffixation. Il en va de même pour la mauvaise abréviation défunte Mél. (avec accent et point) pour « message électronique ». Et le terme Minitel pour « médium interactif par numérotation d'informations téléphoniques » est un acronyme à base semi-syllabique, le dernier terme étant apocopé jusqu'à la syllabe initiale.

Modem pour modulateur-démodulateur est l'exemple même du faux mot-valise. Il existe bien un élément commun, mais nous avons affaire à une abréviation syllabique ordinaire sous la forme d'un acronyme. Le second terme ne subit pas d'aphérèse, mais une apocope. Ne confondons pas les abréviations même acronymiques avec les mots-valises !

Clavardage : ce néologisme québécois pour le chat vient de clavier et de bavardage. Mais comme le mot clavier est encore très présent dans les esprits, il est souvent déformé en claviardage. Le verbe caviarder doit aussi jouer son rôle pour troubler les esprits.

Teknival : le nom se rapporte aux concerts [?] de musique [??] pekno... pardon pechno... re-pardon... techno. Le second élément est bien entendu dérivé du mot festival. Le tout avec l'orthographe teknoïde.



Mais qu'est-ce que donc le mot-valise ?

Le mot-valise n'est pas le simple résultat d'une apocope (ou troncation de la finale) du premier terme et d'une aphérèse (ou coupe du début) du terme suivant. Il n'est réussi que si les deux éléments sont reconnaissables ou contiennent encore leur contenu sémantique. Mais il peut ensuite prendre sa vie autonome par des dérivés, ou donner naissance à un suffixe.

On a tort de croire que le simple collage de deux termes constitue un mot valise comme pour Velcro (velours et crochet) ou lorsqu'il existe une simple suffixation comme dans abracadabrantesque. Les rapprochements sémantiques existent dans d'autres procédés que le mot-valise. Le premier terme est une abréviation syllabique sous la forme d'un acronyme. Le deuxième est un mot dérivé. Quant aux mots composés comme orthotypographie soudé ou auto-école avec le trait d'union, ils relèvent d'une autre catégorie encore, celle de la composition. Pour qu'il y ait mot-valise, il faut un élément commun à deux termes et non pas simplement juxtaposition, collage.

Voici un mot-valise incontestable :

Beurgeois, beurgeoisie : le mot était donné par Télérama comme l'un de ceux qui allaient devenir à la mode en 2003 et cela semble bien parti. Mot-valise à partir de « beur » et de « bourgeois », il s'applique aux enfants d'immigrés qui accèdent à un certain statut social et économique, qui constituent une élite intégrée au système en place.

Le premier terme n'est pas apocopé directement, mais il est issu du verlan et il a été singulièrement transformé. Le deuxième subit bien l'aphérèse. Enfin, il existe des parties communes entre les deux mots beur etbourgeoisie. Cela prouve que le mot-valise est un phénomène plus complexe que la simple composition ou dérivation : il procède d'un rapprochement intellectuel entre deux termes fort séparés, aussi éloignés l'un de l'autre qu'« un parapluie sur une table de dissection ». La première motivation est bien entendu phonétique puisque le mot-valise constitue une catégorie supérieure de la composition du fait de sa soudure par imbrication, emboîtement, enchassement, si bien que l'un et l'autre terme deviennent indissociables. En outre, le mot-valise contient une métaphore toujours latente car qui ne reconnaîtrait pas dans le beurgeois un beur se comportant comme un bourgeois ? Lorsque l'on prend le mot fort réussi de pourriel (présent dans le Petit Larousse illustré de 2004), la racine de pourrir exerce toujours sa force analogique alors que le terme courriel – qui n'est pas un mot-valise – a plus de peine à être adopté malgré son caractère officiel en France, en Belgique et au Québec.



La reconnaissance arrive !

Certains mots-valises récents ont été enregistrés :

Alicament, n. m.,� 1996; mot-valise, de aliment et médicament. La soudure est subtile car la terminaison d'aliment est identique à celle de médicament.

Entreprenaute, n., 1999 ; de entrepreneur et internaute. Mais nautons que le terme internaute n'est pas donné comme mot-valise par le Petit Robert : internaute, n., 1995; de Internet et -naute. Il a raison ! Le mot internaute est un dérivé, tout comme usenaute, cybernaute (terme pléonastique au demeurant), océanaute, spationaute, cosmonaute, astronaute, spéléonaute, aquanaute, aéronaute. Cependant, je dénierais à entreprenaute son caractère de mot-valise car l'élément -naute existe comme tel et est déjà soudé au radical comme dans océanaute par syncope. Nous nous trouvons à la limite entre suffixation et dérivation, composition et mot-valise.

Fanzine, n. m., 1963 ; de l'anglais américain, de fan « amateur » et magazine. Le dérivé fanzineur n'a pas eu l'heur de plaire. Certains fanzines ont atteint une qualité professionnelle et un succès commercial éphémère comme Schtroumpf, Circus, Falatoff, Plein la gueule pour pas un rond. Il convient de noter que le second élément est devenu autonome, on parle ainsi d'un zine pour n'importe quel journal fabriqué de bric et de broc. Le fanzine s'est vite opposé au prozine (1970), pour les publications destinées aux professionnels par les professionnels, mais ce terme est resté plus confidentiel car ces deux milieux étaient fort mélangés dans la bande dessinée ou la science fiction ou l'illustration. Le terme webzine, plus récent, n'en est qu'un ultime (et non final) avatar. Quant au suffixe, il peut se décliner à l'envi comme un élément qui n'a plus besoin de son origine. Toutefois, je contesterai au Robert le fait que le terme fanzine s'analyse comme un mot-valise : il n'y a aucun phonème commun entre les deux éléments. Nous avons donc un abus de terminologie plus grave que celui pour entreprenaute. Ce genre d'approximations lexicales est à l'origine de l'emploi du terme « mot-valise » pour n'importe quel mot composé avec soudure et quelques troncations !

Nétiquette, n. f., 1994 ; de l'anglais netiquette, de network « réseau » et etiquette.Voilà un beau mot-valise ! Le terme Net (pour Internet, Usenet et le plus souvent le worldwideweb ou la Toile) est largement démotivé en français, mais il demeure fort présent.

Rotacteur, n. m., 1968, de rotatif et contacteur. Mais ce terme technique reste rare et sans descendance.

À ton avis, Gaston emploie-t-il un mot-valise ?

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