L'ananas
On connaît la date à laquelle l'ananas est entré dans la civilisation occidentale : 1493, lorsque Christophe Colomb a abordé  la Guadeloupe. Cependant, le parcours du mot et son histoire sont passablement embrouillés. On s'accorde sur le fait que le mot naná signifie en tupi-guarani « parfumé ».  C'est le seul fait certain. Notons toutefois que Littré dans la première édition de son dictionnaire donnait comme origine le péruvien, donc le quechua,  alors que ce mot et cet arbre n'existaient pas dans les pays andins. Il a rectifié ensuite dans son supplément, en évoquant le brésilien.

D'autres mots sont empruntés  au tupi-guarani : acajou et cajou, cobaye, couguar, ipéca, jaguar, manioc, ouistiti (à moins que ce ne soit une onomatopée allemande sur le cri), piranha (par l'intermédiaire du  portugais qui a noté par nh la nasale mouillée écrite ñ en espagnol), samba, sarigue,  tamanoir, tapioca (comme le général), tatou (l'animal), topinambour  (ethnonyme qui renvoie aux Tupinambas).


Notre jeune reporter est sur la piste du fétiche de l'ananas : se pourrrait-il 
que le nom du fruit vienne en fait des Arumbayas et non des Tupinambas ?

Certains estiment que le a- initial dans ananas est dû au portugais qui aurait ajouté un article, mais en fait le mot ananá existe en tupi-guarani et le mot a été transmis ainsi en arawak – la langue du bassin des Caraïbes – lequel l'a donné ensuite à l'espagnol ancien. L'élément a- serait le nom de l'arbre en tupi, d'où le nom de l'arbre parfumé. La construction serait donc la même que celle de l'acajou qui peut être aussi le cajou ou anacardier. Le mot anana existe encore en espagnol, mais il est d'usage en botanique.

En revanche, le -s de la terminaison semble bien un ajout du portugais qui a d'abord désigné les fruits de l'arbre pris collectivement. Ce serait donc une marque de pluriel que l'on a fini par ne plus distinguer. Il faut dire qu'en portugais ce -s ne se fait pas toujours entendre. En français, la bonne prononciation voudrait que le -s soit muet, mais l'usage est bien différent. Relevons encore que le mot se rapportait d'abord à l'arbre et non un fruit – lequel n'est d'ailleurs pas à proprement parler un fruit. Puis en français le nom du fruit en est venu à désigner de nouveau la plante (fin XVIIIe s.)

L'espagnol a utilisé anana, mais à côté il a employé la métaphore piña, ou « pomme de pin », à cause de la forme du fruit. Ce terme est devenu courant, il s'est transmis à l'anglais pineapple (pomme de pin).

Dans la plupart des autres langues européennes, l'intermédiaire semble avoir été le portugais, que ce soit en allemand Ananas, en néerlandais ou danois ananas, en italien ananas ou ananasso. En français, le mot apparaît sous différentes formes : amanat (1544), nana (1554), ananas (1578). L'intermédiaire est clairement tupi ou portugais. Furetière en 1690 emploie anana parce qu'il songe au modèle espagnol :
 

ANANA. s. m. Fruit des Indes qui a une telle vertu, que si on laisse un clou dedans pendant une nuit, il en consommera tout l'acier. Ce fruit a un goust sucré & vineux qui tient quelque chose du jus de cerise, & qui laisse dans la bouche l'odeur d'une excellente eau rose. Ce fruit se cueille verd, & jaunit en meurissant, & vient à un arbre qui est une espece de platane.


Le platane en question est en fait un bananier ou plantain, à partir de l'espagnol platano. [Remarque faite par DB.]

L'ananas se rapporte aussi à une espèce de grosse fraise très parfumée, à une couleur.

Il possède un paronyme, l'anone appelée aussi corosol. Le mot (1556) est emprunté à l'arawak d'Haïti, par l'intermédiaire de l'espagnol anona (1535). Il a été d'abord écrit anon, hanon, puis par souci de différenciation orthographique anone qui peut être aussiannone (Larousse). Le mot se rapportait d'abord à la plante, il peut désigner également le fruit de celle-ci.

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