Le
muguet
La fleur tire son nom d'un adjectif dans
noix muguette. On trouve aussi
les formes muguage, mugate, mugueit, mugeit, musguet. Il s'agit soit
d'une altération par changement de suffixe de
noix muscade, soit
d'une suffixation de
musc
à partir de
mugue, muge
(XI
e s.) pour
musc. La désignation vient du parfum vif de la fleur à
clochettes, comparable à du musc.
Le terme
musc nécessite
des explications, mais elles seront
données dans la page sur la
muscade.
L'évolution
phonétique du mot pose d'abord le problème de l'origine
du suffixe, le masculin est mal expliqué. La sonorisation de
/k/
intervocalique est aussi obscure. En revanche, le
/s/ est victime soit
d'une assimilation progressive en français, soit d'une
attraction analogique en parler régional (
murguè en
wallon).
Le nom français se retrouve en espagnol muguete pour le sens
médical et non pour le sens botanique (
lirio de los valles, le
lys des vallées), le muguet est encore un lys en portugais
liro-do-vale mais le nom de
muguet est un gallicisme aussi
employé. C'est également un petit lys de la vallée
en
anglais et en néerlandais :
lily
of the valley,
leleitje-van-dalen. Mais
également, une clochette de mai
meiklokje, tout comme en
allemand
Maiglöckchen.
En revanche,
l'italien a repris directement le
mughetto
au français. Les
désignations périphrastiques dans les autres langues
européennes empruntent en fait au français qui emploie
régionalement le mot
lilas
pour le muguet.
Le muguet fleure bon. Son nom fut donné aux jeunes galants
dès le XVI
e s.,
parce qu'ils se parfumaient avec des essences de muguet. Mais ceux-ci
pouvaient fort bien rendre des
visites
muguettes, passer des
muguets
qui étaient des billets doux.
Et
vous verrez ces visites muguettes
D'un oeil à
témoigner de n'en être point soûl ?
Molière, l'École des
maris, I, 2.
Mugueter, c'était donc
courtiser, faire le galant, se montrer agréable ; la
muguetterie une forme de badinage. Le
muguetteur
cajole, il pouvait se
faire
muguelet, mugueteau
Le
muguet, aux siècles
classiques, semble encore rappeler vivement la sexualité par son
odeur et par sa prétendue innocence. Faisons pièce
à la légende qui attribuerait à Charles IX cet
usage galant alors que dans ce sens le terme remonte à 1538. On
peut penser qu'il y a eu une attraction analogique avec
muser ou badiner et puis
guetter puisque le mot prend le
sens général de rechercher.
Mais le nom du muguet vient de la noix muscade, d'une odeur très
marquée. Et fort étrangement, l'idée du musc
évoque bien plus par son sens
moderne, et grâce à Baudelaire, la senteur animale, fauve,
sexuelle alors que le muguet aujourd'hui semblera lilial, marial,
vierge – il faut noter que dans l'Est de la France, c'est un
synonyme du lilas. En ancien français, la muguette était
encore une glande animale, un testicule. La fleur est moins banale,
marronnière qu'on
ne le croirait ; son ambivalence est encore plus forte lorsque la
politique s'en mêle. Le muguet était aussi un muglias ou
muguelias par alliance avec le blanc lilas.
Le muguet blanc des anciens muscadins – les jeunes royalistes qui
arboraient un brin de muguet sous le Directoire tout en maniant la
canne afin d'assommer les partisans de la Gueuse – a
été repris par les Rouges afin de rappeler un massacre
d'ouvriers à Chicago il y a plus de cent ans, mais sans arborer
le drapeau rouge de sang, et ce ne seront pas des cerises que l'on
offrira lors de la fête du travail : elles ne sont pas
vraiment encore de saison. Inversion des symboles. Le muguet a en fait
remplacé l'églantine rouge durant la Seconde Guerre
mondiale lorsque la Fête du travail a été
instituée, le muguet par sa couleur est plus propre au mois de
Marie et il est moins lié à l'histoire de la gauche.
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