Les verbes défectifs,
ou les reliques de l'ancien français – C
Cafeter
Inusité aux trois personnes du singulier et à la troisième du pluriel du présent de l'indicatif et du subjonctif, ainsi qu'à la deuxième personne du singulier de l'impératif selon le Robert-Nathan des conjugaisons ! On compare avec son cousin le Petit Robert : « Fam. Dénoncer voir cafarder. Il m'a cafté au prof. — Absolt Un fayot qui cafte ». Il se conjugue comme parler... Je cafete, tu cafetes, il cafete, etc. Et que l'on ouvre ses esgourdes ou ses mirettes !
Ce verbe est attesté en 1900 et c'est une dérivation de cafard avec un t prosthétique qui se remarque dans l'autre graphie cafter. Peut-on le considérer comme un verbe défectif ? Pas vraiment... Il est seulement plus employé à l'infinitif.
Calamistrer
Verbe transitif. Mettre en boucle des cheveux, friser, onduler, lustrer (moderne). S'emploie en fait surtout au participe passé comme adjectif.
Il date du XIVe s. à partir du latin calamistratus « frisé », de calamistrum « fer à friser ».
Calter
Ce verbe est attesté en 1798 et il vient de caler « reculer » avec un suffixe peu clair. Argot : s'en aller en courant, fuir ; cesser, s'arrêter (avec un complément). Le Petit Robert le juge défectif et déconseille de l'employer, mais on le rencontre surtout à l'impératif avec sa valeur d'ordre. La graphie caleter est moins fréquente. Caltez boudin, caltez volaille : c'est terminé. Calte au boniment : c'est terminé.
Chaloir
À partir du latin calere « être chaud ». Le verbe est attesté au Xe s. à la troisième personne.
N'est utilisé qu'à la troisième personne du singulier du présent de l'indicatif dans l'expression : Peu m'en chaut, Peu lui en chaut. La forme négative signifie « peu m'importe » ; mais la forme déclarative de base veut dire : « être d'importance ». En ancien français, il voulait dire : « avoir de l'intérêt ».
En fait ce verbe se conjugue sur le modèle de valoir : au subjonctif « Pour peu qu'il vous en chaille » (Anatole France). On peut ainsi écrire et suivant Littré : chaudra (futur simple), chaudrait (conditionnel présent). En ancien français chaloir se conjuguait rarement au présent : chielt ; la forme du passé simple chalut est attestée.
Le substantif chaland, ami ou connaissance, puis client au XIIe siècle , est issu du participe présent. Il servira à construire le verbe achalander et l'adjectif achalandé, qui ne signifie pas « être pourvu en marchandises », mais « fréquenté par la clientèle ». Au Québec, achalander signifie « importuner » Furetière évoque le pain chaland : « Gros pain que vendent les boulangers de la ville et qu'ils font porter dans les maisons des bourgeois, qui sont leurs clients ordinaires ».
L'infinitif et surtout le nom rendu familier par Baudelaire nonchaloir sont issus de ce verbe. La beauté nonchalante suit cette même démarche.
Chauvir
Chauvir de l'oreille, « dresser l'oreille », généralement en parlant de l'âne, du mulet ou du cheval.
Se conjugue comme partir, sauf aux trois personnes du singulier de l'indicatif : je chauvis, tu chauvis, il chauvit, au pluriel ils chauvent et au présent de l'impératif : chauvis, chauvissons, chauvissez.
Le verbe est attesté au XIIIe s., « faire la chouette », peut-être du latin cavannus « chouette ».
Choir
Une page spéciale est consacrée à ce verbe qui n'a pas eu de chance ! Vous n'oublierez pas de consulter les pages consacrées à déchoir, échoir, méchoir.Clocher
Vient du latin populaire cloppicare, de cloppus « boiteux » déformation du classique claudus avec le même sens. Il voulait dire « boiter » (1120). On le rencontre encore dans l'expression à clochepied. Ce verbe ne se rencontre plus qu'à l'infinitif et aux troisièmes personnes : «Y'a quéqu'chose qui cloch' là-d'dans,
j'y retourne immédiat'ment. » (Boris Vian.)
Cloper
Non ! Ce n'est pas fumeux. Le verbe cloper (boiter) n'est plus employé depuis le XVIIe siècle. Mais il a donné naissance aux verbes clopiner (XIIIe) et clampiner (XIXe). On le retrouve encore dans l'expression clopin-clopant (XVIIe), clopant est l'ancien participe présent de cloper et clopin signifiait boiteux. Il est issu, comme le verbe de cloppus, qui en latin populaire était la déformation de claudus, « boiteux ».Clore
Ce verbe méritait un développement. Mais n'oubliez pas de regarder aussi déclore !Comparoir
Verbe intransitif . Ne s'applique qu'à la langue juridique et à l'infinitif dans l'expression être assigné à comparoir : « comparaître en justice ».
Ce verbe est une dérivation issue secondairement de comparant au XIIIe s., participe présent de comparer issu du latin classique comparere, « examiner les rapports ». Mais attention ! cela se complique lorsque l'on sait que comparaître (1437) est issu de l'ancien français comparoir en latin juridique refait d'après paraître ! Résumons : comparer donne comparoir qui donne comparaître qui évince le premier et le second dans leur emploi juridique.Contondre
Du latin contundere, « frapper ». Ce verbe a disparu au XIIIe siècle et l'on utilise plus souvent contusionner dans le même sens, le participe passé de ce dernier date de 1672 et le verbe conjugué de 1819. La difficulté de conjugaison explique la réfection. Il subsiste dans les participes présent et passé employés comme adjectif : contondant et contus (plus rare). Ce dernier est employé pour désigner ce qui blesse sans couper ni percer, il est cher aux auteurs de whodunit pour désigner la matraque, la bûche ou le gigot d'agneau congelé qui a assommé le Colonel Moutarde. Il existe quelques emplois littéraires de contondre aux temps composés (Hugo, France).Contrefoutre
Ne s'emploie pas à l'impératif passé, au passé simple, au passé antérieur, aux subjonctifs imparfait et plus-que-parfait, au conditionnel passé deuxième forme – ce qui est assez choquant et vexant... Il date de 1790 époque fort riche en invectives. Le doubon contrefiche(r) date de 1839.Courbattre
Selon Littré ce verbe existait au XVe siècle dans le langage populaire de certaines régions. Il survit à travers son participe passé devenu adjectif : courbatu. Celui-ci se rapportait à un cheval dont la respiration et les mouvements étaient gênés. Sur courbatu a été formé le nom courbature et le verbe régulier courbaturer (XVe s.).
Courre
Le latin currere a donné naissance à ce verbe (1225), écrit aussi corre en ancien français, refait au XIVe siècle sur le modèle des verbes en -ir : courir sans doute par analogie avec mourir. Seul l'infinitif subsiste dans le vocabulaire de la chasse : la chasse à courre ; laisser les chiens courre, laisser courre, i.e. « courir ». En ancien français, il présentait une alternance vocalique au présent entre les deux premières personnes du pluriel et les autres personnes : nous corons, il queurt, sur le modèle de pleurer.
Cuider
Un verbe qui malheureusement a disparu, sauf au participe participe présent encore reconnaissable dans l'adjectif outrecuidant qui signifie « impertinent » ou « qui croit en soi outre mesure » et le substantif outrecuidance « confiance excessive en soi » (XIIe s.). Le verbe cuider (ou cuidier) est issu du latin cogitare « penser » et il est attesté dès 1080. Il voulait dire en ancien et moyen français « penser ; croire, s'imaginer que ; prétendre ; s'imaginer à tort ». La nuance qu'il apportait par rapport au verbe croire fait aujourd'hui défaut.