La poire

 
Le nom de la poire est issu du latin populaire pira, pluriel neutre de pirum pris pour un féminin singulier. Le latin nommait pirus l'arbre. Le mot est sans doute issu d'une langue antérieurement parlée en Europe car le grec possède aussi apion pour la poire, apios pour le poirier. On suppose que le grec et le latin ont emprunté ces noms à une langue non indoeuropéenne et leur ont fait subir des altérations à date récente. Cela se vérifie pour certains noms d'arbres méridionaux : ficus et sikon (figuier), pinus et pitus (pin). Dans le cas du poirier, on suppose une formation a-pi(s)-os. La présence de l'élément a- est obscure, le (s) expliquerait le rhotacisme normal à l'intervocalique en latin.

La voyelle tonique libre i passe à e long avant le IVe s. Cela se retrouve en espagnol et en italien pera, portugais pêra. Ce e long diphtongue en éi en roman, lequel devient ói avant la fin du XIIe s. La dipthongaison n'affecte pas l'occitan pera, elle s'est produite au VIe s. Ensuite, la diphtongue se réduit à une demi-consonne suivie soit de è, soit de a à partir du moyen français.

Le mot latin est passé en germanique : ancien haut-allemand bira, allemand moderne Birn (mot que l'on retrouve aussi dans la pomme de terre). L'emprunt s'est produit après la seconde mutation consonantique, donc après le VIe s., du fait du maintien de la consonne occlusive : celle-ci ne s'est pas changé en pf, mais elle s'est voisée. Le néerlandais peer et l'anglais pear montrent un emprunt à une langue romane et non directement au latin.   

Le nom se rapporte à d'autres objets vivants :
— Poire de terre, topinambour (1764).
— Poire d'acajou, le fruit du cassuvium.
— Poire d'avocat, fruit de l'avocatier.
— Coquilles : poire d'agate ; poire sèche.
 
Par métonymie, le mot désigne la liqueur de poire. Ce terme est en concurrence avec poiré (1223).

Par métaphore, c'est un grand nombre d'objets :
— Poire à poudre (1669), récipient portatif.
— Flacon, boîte, motif, ligne de forme oblongue (1380).
— Perle en poire ou poire (1829).
— Accessoire en bois dur en forme de poire.
— Interrupteur électrique (1876).
— Petit ballon en caoutchouc pour aspirer ou refouler un liquide, un gaz (1870).
— Poire à lavement. Poire de Politzer
— Contrepoids de la balance romaine (1723).
— Poires secrètes, embouchure du mors d'un cheval.
— Partie d'un battant qui frappe la cloche.
— Un bâton ou poire au pays (1392).
— Un jeu en ancien français (Froissart).

La poire d'angoisse était à l'origine une poire d'un goût âcre (XIIIe s.) qui est surtout destinée à être cuite ou à faire du cidre. Ce terme a ensuite servi à désigner un bâillon en fer et en forme de poire destiné à étouffer les cris. Le nom ne vient pas de l'angoisse issue d'angustia ou « resserrement, passage étroit », mais d'une localité située en Dordogne. L'occitan connaissait la pera d'Engoyssa (1245). L'homonymie avec l'angoisse comme nom commun a donné naissance à l'expression avaler ou manger des poires d'angoisse (1433). De même, les poires d'estranguillon, étaient  des « sortes de tres meschantes poires » d'où faire manger des poires d'estranguillon, et par allusion « étrangler ».

Par métaphore, cela s'applique à des personnes.
— Synonyme de tête, sans doute par allusion au visage de Louis-Philippe que des caricaturistes représentaient avec une tête en forme de poire. Cependant, le terme reprend en fait les métaphores d'autres fruits ou légumes : pomme, fraise, citron, citrouille.
— L'individu lui-même (1879).
— Poire blette, individu de peu d'envergure.
— Personne naïve, facile à duper. Une bonne poire (1893) par ironie.
Cela a servi à former le verbe poirer au sens d'arrêter (se faire poirer, se faire arrêter, 1916) par l'analogie avec cueillir comme une poire.

Les locutions sur la figure sont nombreuses à partir de la fin du XIXe s. :
— Se sucer la poire, s'embrasser (1901).
— Faire sa poire, prendre un air dédaigneux (1858).
— Se payer la poire de quelqu'un, se moquer de quelqu'un.
— Se saouler la poire, s'enivrer.

Les autres locutions sont anciennes :
— Ne craindre une poire, ne rien craindre.
— La poire est mûre ou n'est pas mûre, l'occasion est favorable ou non (XVIIIe s.)
— Entre la poire et le fromage, à la fin du repas lorsque les fruits étaient servis avant le fromage (XVIe s.)
— Garder une poire pour la soif, épargner pour les moments difficiles (1640).
— Couper la poire en deux, transiger, faire des concessions réciproques ou un jugement de Salomon.
— Ne pas promettre poires molles, menacer d'un mauvais traitement (1671).
— Troussé comme une poire de chiot, mal ajusté ou mal fait (1640).

Les dérivés sont peu nombreux :
— Poirier (1409), d'abord perier (1150). La locution faire le poirier par analogie avec l'arbre est ancienne (1200).
— Poiret comme confiserie.
— Piriforme de construction savante (1687).
 

Revenir au jardin

Revenir au sommaire