3. Les transformations avant la verlanisation



Un mot doit parfois être préparé avant la verlanisation comme nous l'avons vu avec les monosyllabes fermés.
 

a) La bourre phonétique
 

Ce procédé est essentiel pour les monosyllabes fermés. Il s'agit de la transformation d'un e caduc en voyelle antérieure e fermé ou ouvert.

– Le e dit muet est déjà présent : femme devient fa-meu.

– Le e dit muet n'est pas présent, on le crée : flic-flikeu, sac-sakeu, juif-juifeu.

La bourre phonétique appartient au procédé de la paragoge.
 

b) L'aphérèse

Elle consiste à effacer le début du mot. Voir la page consacrée à l'aphérèse.

Il existe des aphérèses déjà présentes dans le langage familier. Ainsi ricain est l'aphérèse d'Américain. Cela permet le verlan cainri. Ex. : gétran (étranger). Ce procédé est peu utilisé avant la verlanisation. Il permet néanmoins d'expliquer la forme vénère (énervé).
 
 

c) L'apocope
 
 

Elle supprime une syllabe ou un phonème final. En fait, elle est peu présente avant la verlanisation et consiste le plus souvent à partir de formes déjà tronquées comme taxi. On assiste plutôt à la perte de certains traits vocaliques en finale, par exemple les e fermés deviennent des e caducs. Voir la page consacrée à l'apocope.

Balancer : balanceu : lanceba.

Jeter : jeteu : tej.
 
 

 d) La syncope
 
 

Il s'agit de la suppression de phonèmes à l'intérieur du mot. Nous avons déjà donné l'exemple de kroma (maquereau) ou de sakom (comme ça). Mais la syncope peut donner lieu à des phénomènes plus complexes : tecrodzen (crotte de nez) est un exemple pertinent. Nous avons deux verlanisations :

crotte > teucro > tecro

nez > zen (verlanisation sur un graphème).

Mais la syncope qui affecte la préposition de permet de rappeler la consonne dentale sourde de crotte, laquelle est justement assimilée à l'oral par la consonne sonore suivante.
 
 

e) Les fausses coupes : agglutination et déglutination
 
 

Les expressions peuvent être soudées avant la verlanisation, on parle alors d'agglutination. C'est le cas de ziva (vas-), chelaoim (lâche-moi), sakom, n'importenaouak.

Mais elles peuvent aussi faire l'objet de troncations sans respect de la forme grammaticale.

Des Arabes : des-z-arabes : zarab : rabza : rab.

L'Arabe : la rab : le rab.

Le mot obtenu, rab, peut ensuite subir une bourre phonétique : rab : rabeu : beura : beur.

Voir la page consacrée à l'agglutination et à la déglutination.
 
 

f) Les autres altérations
 
 

 Certains mots ne pourraient pas être verlanisés sans certaines modifications.

– Des lettres muettes sont prononcées : à donf (à fond), zen (nez), luc (cul).

– Des phonèmes en position interne et non en finale changent de prononciation : yok (couille) ne peut pas s'expliquer sans un passage par une forme *coille ou *koï. Le mot rouan (noir), homonyme d'un type de cheval à robe rouge et blanche, est issu d'un changement de la semi-consonne en voyelle : *nouar. Notons d'ailleurs que les deux mots d'origine sont des monosyllabes fermés et que l'inversion porte seulement sur les phonèmes, rouan ne permute d'ailleurs que l'initiale et la finale et non la séquence vocalique. La motivation sémantique du mot est assez forte pour que l'on conserve un ordre reconnaissable, le jeu entre la couleur de la peau et la couleur de la robe est évident. Genar (argent) vient de la perte de la nasalité de la première voyelle : *arge'n. Là encore existe une motivation sémantique avec la paronymie voulue de gêne.

Keupon (punk) vient d'une prononciation francisée du mot anglais ponkeu.
 

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