Métaplasmes


Le but de cette page est de présenter un vocabulaire utilisé dans les pages sur les déformations de mots. Elle offre une synthèse d'autres pages et y renvoie à l'occasion. Définition : un métaplasme désigne les altérations phonétiques du mot par adjonction, suppression ou déplacement de phonèmes ou de lettres.
 
Sommaire :
Suppression : aphérèse, déglutination, syncope, synérèse, apocope, crase, enclise, proclise, synalèphe
 
    Par addition
Au début du mot : prosthèse Latin stella, français étoile.

La voyelle a été ajoutée avant l'amuïssement de la consonne « s » afin de faciliter la prononciation du groupe « st ».

La prosthèse est un phénomène fréquent du passage du latin au français dans les groupes du type consonne « s » et consonne (p, k, t). La voyelle prosthétique est le plus souvent « e ». En français, la voyelle soutenue disparaît par assimilation. Il existe des prosthèses spontanées en français populaire comme un « esquelette ». 
Au début du mot : agglutination Hedera, lierre. L'heurette, la belle lurette. Ombiculus, nombril. Unicornus, licorne. L'agglutination repose le plus souvent par une assimilation de l'article au nom. L'agglutination est une forme de prosthèse qui n'est pas fondée phonétiquement : elle repose sur une mauvaise compréhension du déterminant tout comme pour la déglutination. Elle se produit presque toujours devant voyelle. L'agglutination est un phénomène spontané que l'on retrouve chez les enfants : « le navion », « le zoizeau ». 
Au milieu du mot : épenthèse Latin camera, français chambre. La consonne « b » a été ajoutée après la chute du
« e », la forme obtenue était un groupe « mr ». Voir aussi la page sur la formation du futur.
L'épenthèse s'est produite entre des consonnes m, n, s, z , l suivie d'un r ou d'un l. Les consonnes de transition sont « b », « d » ou « t ». Cela affecte en particulier des verbes du 3e groupe. Il existe des épenthèses qui ne sont pas dues à une difficulté articulatoire, mais à une analogie de forme comme dans « il mourira » pour « il mourra ».
Au milieu du mot : diérèse Les sanglots longs Des vi-olons de l'automne
 
 

 

La diérèse est un procédé poétique qui permet de compter deux syllabes au lieu d'une. Elle s'exerce sur une séquence semi-consonne et voyelle. La diérèse peut être aussi emphatique dans le langage populaire : « il faut vohar ». La diérèse s'oppose à la synérèse.
À la fin d'un mot : paragoge Grâces à ta bonté qui pleut dans le désert. (Verlaine.) 

Voir aussi la page sur le suffixe -s des adverbes.

La paragoge, comme celui donné en exemple, est aussi une licence poétique ou littéraire admise pour des raisons d'euphonie ou de compte des syllabes. Certaines paragoges sont fondées étymologiquement, mais le phénomène s'exerce aussi dans le rétablissement de lettres auparavant muettes, voire dans l'emploi de phonèmes inexistants.
Le redoublement ou la gémination
La fête à Neuilly = la fête à Neuneu. Un contrôleur, un leurleur. Un bonbon. Un nounours.
Le redoublement s'exprime surtout dans les mots d'origine onomatopéique. Mais il intervient aussi dans des mots qui ont été abrégés par apocope ou aphérèse. Il contient une connotation péjorative ou hypocoristique.
L'anticipation
Chercher du latin circare en passant par cerchier en ancien français.
Le changement de position d'un phonème dans un mot amène ainsi à le prononcer avant le ou les phonèmes qui le précédaient. Il s'agit d'une forme de métathèse aussi puisqu'il y a déplacement en plus de l'addition.
    

    Par suppression

 
Au début du mot : aphérèse Latin eccistu, français cest, puis cet. La voyelle initiale n'était pas accentuée dans ce mot et elle était trop faible. Voir aussi la page sur les pronoms de 3e personne, celle sur les démonstratifs. L'aphérèse est une déformation populaire qui simplifie le mot. Elle est à l'origine d'un grand nombre de pronoms et des articles définis, mais elle intervient aussi en argot (pitaine, 'leur) ou dans le langage familier à l'oral ('tention !). L'aphérèse peut se combiner avec une apocope pour former un mot (bins), ou bien deux mots (il, le). 
Au début du mot : déglutination Laiacum L'Haÿ-les-Roses, Cenomanes Le Mans, naranja une orange, un napperon an apron. La déglutination repose sur une mauvaise coupe du mot qui est compris comme s'il était précédé d'un article.  La déglutination est une forme d'aphérèse puisqu'elle prive un mot ou un nom de ses phonèmes initiaux. Mais elle les maintient sous forme d'article le plus souvent. Cette forme d'aphérèse construit donc des noms nouveaux par une fausse coupe. Elle est très fréquente pour les mots étrangers et notamment ceux issus de l'arabe. La déglutination s'oppose à l'agglutination.
Au milieu du mot : syncope Dans l'exemple du mot « chambre » (épenthèse), la syncope s'est produite sur le « e » non accentué de camera. La syncope affecte en français moderne principalement le e caduc, mais elle concerne à partir du latin bien d'autres voyelles non toniques : tabula > table.
Au milieu du mot : synérèse Aussi me traitent-ils de poëte à la douzaine Songe donc qu'elle [la barque] porte un poëte et sa fortune (Piron, la Métromanie).  La synérèse consiste en une contraction de deux voyelles en une semi-consonne et une voyelle ; le nombre de voyelles diminue dans le vers. La synérèse peut aussi être populaire : manier, magner
À la fin du mot : apocope Encor pour encore. Vélo pour vélocipède. Le Boul' Mich'. Jour à partir de diurnum. 
 
 
 
 
 

 

L'apocope est le phénomène le plus répandu d'évolution phonétique. Elle explique notamment la formation du français par rapport au latin du fait d'un relâchement articulatoire en finale : les syllabes non accentuées ne sont plus prononcées. Mais c'est aussi un phénomène fréquent en argot, dans le langage populaire, le verlan. Elle intervient encore en poésie, par licence et par motivation des formes anciennes. 
Par modification de la prononciation de deux voyelles : crase  De et le donnent du, à et le donnent au.
La crase signifie « mélange » en grec. Les phonèmes se confondent de telle sorte qu'ils donnent naissance à une autre voyelle. Les articles contractés sont issus de crases.
Perte de l'accent tonique sur un mot qui se lie au précédent :
enclise
Que sais-je ? Puissè-je. Le pronom je est enclitique.
Le mot vient du grec en, « en », et de klinein,
« pencher ». Les enclises étaient fréquentes en ancien français : jel pour je le.
Perte de l'accent tonique sur un mot qui se lie au suivant : proclise
J'te l'dis pour je te le dis. Les pronoms proclitiques je et le se soudent au mot accentué
Du grec pro « en avant ». Le phénomène affecte surtout les monosyllabes contenant un e caduc. La proclise peut être impaire comme dans l'exemple ci-contre, ou paire (je t'le dis).

Par fusion de plusieurs syllabes : synalèphe


Motor et hotel donnent motel. New-York devient Niourk. Lugdunum (la forteresse de Lug) devient Lyon.
La synalèphe entre notamment dans le cas des mots-valises ou portmanteau words. Mais elle entre aussi dans des noms de lieux.
 
 
    Par déplacement
Métathèse: il s'agit de l'échange de position entre deux phonèmes Infractus pour infarctus. 

Fromage, issu de formage à partir de formaticum

Keuf à partir de keufli, métathèse de flic.

La métathèse est admise par l'usage dans des mots anciens, mais elle rentre aussi dans des erreurs populaires, dans des jeux de langage et dans la formation d'argots à clé comme le verlan ou le javanais.    

 


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